Nous reproduisons ci-dessous l'exposé fait par Jacques Nikonoff, président d'Attac-France, lors d'une réunion publique du 8 mars 2005 à Concarneau.
Bonsoir à toutes et à tous,
Je voudrais faire un petit test et
demander à ceux qui ont lu le traité constitutionnel européen - en entier - de
lever la main. Cela fait cinq personnes, sur 250 à 300 réunies ce soir. Ce
n’est pas assez ! Alors je pose une deuxième question : qui a
commencé à lire le traité ? Une vingtaine.
Je voudrais supplier ceux qui ne l’ont pas encore fait, de lire
Mon exposé sera organisé en deux
parties :
les
raisons qui ont conduit Attac à refuser ce traité constitutionnel
européen ;
la
situation créée en cas de victoire du « non ».
Nous avons deux raisons fondamentales de rejeter
le
mode de la construction européenne, particulièrement depuis l’Acte unique de
1986 ;
le
texte lui-même de
La première raison qui a conduit Attac à appeler à voter
« non » lors du référendum du 29 mai tient à la façon dont l’Union
européenne se construit, particulièrement depuis l’Acte unique de 1986, et qui
a mené le Vieux continent à la crise. On peut même parler d’une double crise :
une
crise économique, sociale et environnementale ;
une
crise politique et démocratique.
L’Europe, depuis des années, vit
dans une crise économique, sociale et environnementale permanente. Le chômage
reste bloqué à un niveau très élevé (9 %). L’enrichissement démesuré de
certains a pour contrepartie l’appauvrissement d’une partie importante de la
population. C’est l’affaiblissement systématique, quand ce n’est pas le
démantèlement pur et simple, des législations sociales et des services publics.
Cette situation est le résultat direct des choix politiques faits par les
gouvernements des pays de l’Union européenne et par
A cette crise économique, sociale et
environnementale s’ajoute une crise politique. Elle s’observe avec évidence par
un taux d’abstention de plus en plus élevé aux élections européennes, chaque
scrutin battant un nouveau record (57 % d’abstention en 2004). Le
« déficit démocratique », que les eurocrates reconnaissent eux-mêmes,
est la conséquence logique et volontaire de la manière dont s’est construite
l’Europe : opacité, obscurité, contournement des Etats et des citoyens,
recul social.
En réalité, ce qui se fait depuis l’Acte unique de1986, ce n’est pas la
construction de l’Europe, c’est la construction du néolibéralisme !
La deuxième raison qui a conduit Attac-France à mener campagne pour la
victoire du « non » lors du référendum du 29 mai tient évidemment au
texte lui-même de
Le 29 mai prochain, nous allons donc voter sur un texte incroyablement
long :
une
partie principale de 341 pages comportant 448 articles ;
36
protocoles et 2 annexes ;
48
déclarations qui font 97 pages.
C’est un texte trop long, trop
détaillé, trop complexe, qui écarte la majorité des citoyens d’une
compréhension immédiate.
Le traité constitutionnel rassemble
et homogénéise l’ensemble des traités antérieurs qui ont fondé l’Union
européenne, tout en apportant certaines évolutions. Le texte principal comprend
quatre parties :
la
partie I contient les « valeurs et les objectifs de l’Union », ainsi
que son architecture institutionnelle ;
la
partie II contient
la
partie III, qui est le plus gros morceau, porte sur les politiques et le fonctionnement
de l’Union (227 pages), et c’est elle qui installe le régime politique du
néolibéralisme comme politique unique et définitive de l’Union ;
la
partie IV traite en particulier des possibilités de retrait et d’adhésion à
l’Union.
Je rappelle que le projet de traité
constitutionnel européen a été adopté à Bruxelles le 18 juin 2004 par les Chefs
d’Etat et de gouvernement, puis signé à Rome le 29 octobre 2004.
Afin que chacun puisse se déterminer en connaissance de cause, se forger par
lui-même son opinion, Attac et ses militants ont engagé une analyse rigoureuse
et approfondie du texte. Et je voudrais par avance m’excuser de l’austérité des
propos qui vont suivre.
On peut faire deux critiques
essentielles du traité constitutionnel européen :
il
organise un recul systématique de la démocratie ;
c’est
la disparition programmée de toute ambition sociale.
Comment peut-on affirmer que ce
texte propose un recul systématique de la démocratie ?
Il n’existe pas de véritable initiative citoyenne
Si le traité reconnaît le droit
« d’initiative citoyenne », ce dernier est cependant soumis au bon
vouloir de
Certes, en théorie, elle peut être
révisée. Mais comme il faut l’unanimité des Etats, il suffit qu’un Etat membre
sur les 25 exerce son droit de veto pour tout bloquer. Il est donc pratiquement
exclu que le traité, s’il est ratifié, soit révisé fondamentalement, par
exemple pour donner la priorité aux questions sociales ou environnementales. Il
n’est d’ailleurs pas prévu dans le traité que les citoyens soient consultés
lors de ce processus. Rappelons que dans l’article 26 de
Le peuple est ignoré
Pour
Pour
Pour
Dans la plupart des constitutions, le principe fondamental de la souveraineté
populaire est la base de l’Etat de droit.
Rien de tel dans le traité constitutionnel européen, où la souveraineté du
peuple n’est nulle part mentionnée : le peuple n’existe pas.
Certains citoyens seront plus égaux que d’autres
Exemple : les 82 millions
d’Allemands auront 1 député européen pour 860 000 habitants ; alors que
les 394 000 Maltais en auront 1 pour 66 000 habitants ! Un citoyen de ce
pays pèsera donc politiquement treize fois plus qu’un citoyen allemand.
L’égalité des Etats est à géométrie
variable
Par exemple, le Royaume-Uni a obtenu
une clause d’exemption le dispensant des règles de coopération policière,
judiciaire civile, administrative en matière d’asile et d’immigration, sans
parler de son absence de la zone euro.
La politique militaire de l’Union est soumise à l’OTAN et
donc aux Etats-Unis
Le traité constitutionnel stipule,
dès sa première partie consacrée à l’identité de l’Europe, que « la
politique de l’Union » doit être « compatible avec la
politique » arrêtée dans le cadre de l’OTAN (I-41-2), et que « les
engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux
engagements souscrits au sein de l’OTAN » (I-41-7).
La Constitution européenne donne ainsi une reconnaissance constitutionnelle, en
lui faisant allégeance, à l’OTAN. C’est totalement contraire au libre choix
démocratique des Européens quant à leur politique commune de défense. C’est
lier la politique de l’Union à celle d’une organisation qu’elle ne contrôle
pas, c’est donner en réalité aux Etats-Unis le droit de définir la politique
européenne de défense.
En outre, le traité stipule que « les Etats membres s’engagent à améliorer
progressivement leurs capacités militaires » (I-41-3). Nous allons donc
assister à une augmentation continue des budgets de défense, qui revient à
amputer le droit de chaque Etat à définir son budget militaire. Et chacun le
sait, la hausse des dépenses militaires se fait souvent par la baisse des
dépenses sociales.
La laïcité est ignorée ou contournée
La référence à la laïcité et à la
séparation de l’Etat et des églises est « oubliée » dans la
définition des valeurs de l’Union. C’est donc la fin programmée de la
neutralité de la sphère publique.
Les « coopérations renforcées » sont limitées
Les « coopérations
renforcées » décrivent les accords que certains des pays de l’Union
peuvent conclure entre eux, dans certains domaines, pour organiser une
intégration plus poussée. Et bien le traité prévoit « qu’au moins un tiers
des Etats membres y participent » (I-44-2), c’est-à-dire 9 pays. En plus,
de nombreux domaines sont exclus des possibilités de coopérations
renforcées : tout ce qui aurait une incidence sur la libre-concurrence ou
la politique monétaire (III-416 et 419).
Toute coopération renforcée nécessite l’accord de
La politique économique est
« constitutionnalisée »
Les politiques économique,
budgétaire, monétaire et commerciale sont définies et encadrées avec beaucoup
de précision. Contrairement aux autres constitutions, du moins dans les pays
démocratiques,
Cette perspective est l’obsession du texte, le mot « marché » y
figurant 78 fois, et le mot « concurrence » 27 fois. En revanche, le
« progrès social » n’apparaît que 3 fois, le « plein
emploi » une seule fois, le « chômage » jamais.
Le plus inacceptable, comme le plus
anti-démocratique, est le fait que le traité définisse et vitrifie une
politique dans plusieurs domaines, enlevant ainsi aux citoyens le doit et le
pouvoir de choisir à tout moment d’autres orientations politiques. C’est la
sacralisation du néolibéralisme auquel toutes les autres politiques sont
subordonnées. La loi absolue du marché et de la concurrence n’est plus une
option économique, parmi d’autres, à soumettre aux citoyens lors des élections,
mais un acquis institutionnel à ne pas discuter.
Tout ceci est inadmissible dans une constitution démocratique, car une
constitution vraiment démocratique ne doit pas privilégier, a priori, un modèle
économique et un choix politique. Tout cela ressemble aux
« constitutions » des pays de l’ancienne zone soviétique qui
définissaient, elles aussi, la politique économique à suivre et y
subordonnaient toutes les autres politiques. On a vu le résultat.
Ce traité constitutionnel européen est donc un projet contre la démocratie.
Deuxième critique principale que
nous faisons à
Des « droits
fondamentaux » incomplets et non contraignants
Comme je le rappelais tout à
l’heure, le traité constitutionnel a intégré, dans sa partie II,
Mais il y a plus, car certains de ces droits sont en régression par rapport aux
droits en vigueur dans certains pays, notamment en France. C’est ainsi que
D’autres acquis sociaux, qui figurent dans les constitutions de douze Etats
membres, dont
La notion de « bien
commun » n’existe pas
Nulle part, dans le traité, n’est
affirmé le droit à l’usage de biens communs à l’ensemble de l’humanité, comme
l’eau, la culture, l’énergie.
Le plein emploi n’est pas un
objectif de l’Union
L’expression « plein
emploi » n’apparaît qu’une seule fois dans l’article I-3-3 qui parle d’une
« économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein
emploi et au progrès social ». L’usage du verbe « tendre » est à
relever.
Il indique que le plein emploi et le progrès social ne peuvent pas être des objectifs
politiques, mais simplement la conséquence - éventuellement heureuse mais
aléatoire - du fonctionnement de l’économie. Dans le reste du texte, il n’est
plus question du plein emploi, même dans le passage consacré à la politique de
l’emploi, ce qui est un comble. Le véritable objectif est « d’atteindre un
niveau d’emploi élevé », dont on remarquera l’extrême imprécision.
Les services publics ne sont pas reconnus et seront soumis à
la concurrence
Le principe de service public,
auxquels tous ont accès et dont les coûts sont mutualisés, n’est pas admis
comme une valeur de l’Union. Il n’est pas non plus un objectif, contrairement
aux traités actuels qui, depuis Amsterdam, avaient inclus les services publics
dans les valeurs communes de l’Union. La notion de service public n’est
mentionnée qu’une seule fois, et encore est-elle présentée comme une
« servitude » concernant les transports (III-238).
Le service public est remplacé par le « service d’intérêt économique
général ». Les entreprises chargées de la gestion de ces derniers seront
cependant « soumises aux règles de la concurrence » (III-166-2). Le
traité constitutionnel exprime donc la soumission des services publics au
principe de concurrence. Ils seront sous la coupe de l’Accord général sur le
commerce des services (AGCS) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), aux
objectifs de laquelle le traité constitutionnel adhère (III-292-2-e et
III-314).
Des expressions sympathiques qui n’ont aucun contenu
Le traité fait, dans sa première
partie, des appels louables à une « économie sociale de marché », au
« développement durable » (I-3-3), au « commerce
équitable » (I-3-4). Mais ces termes ne reviennent plus jamais dans les
445 articles suivants, et ils ne sont jamais définis. Rien n’est dit sur les
moyens prévus pour réaliser ces ambitions sympathiques.
Une politique monétaire hors du contrôle des citoyens et
même des Etats
Le texte précise que la politique
monétaire est du ressort exclusif de
La libre circulation des capitaux serait entravée par la
mise en œuvre de taxes européennes
L’article III-156 stipule que
« Les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et
entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ». Mais un autre
article, le III-157-3, précise dans l’éventualité de mesures qui constitueraient
« un recul dans le droit de l’Union en ce qui concerne la libéralisation
des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers »,
que « le Conseil statue à l’unanimité ». Des taxes européennes sur
les transactions financières sont donc théoriquement possibles, mais hautement
improbables Pour bien saisir le délire libéral qui a atteint les rédacteurs du
traité, on se reportera à l’article III-131 : « en cas de trouble
intérieur grave affectant l’ordre public, en cas de guerre ou [...] de menace
de guerre », les Etats se consultent « pour éviter que le
fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté ». Aucune disposition
n’est prévue pour assurer prioritairement le maintien de la paix !
La politique de recherche ne vise qu’à favoriser la
« compétitivité »
La politique de recherche de l’Union
n’a aucun objectif de création et de partage de connaissances, de maîtrise des
évolutions de la société et des problèmes qui lui sont posés. Elle n’a qu’un
seul objectif : « favoriser le développement de la
compétitivité » (III-248-1), multiplier des partenariats entre recherche
privée et publique, stimuler la mobilité des chercheurs. La recherche
fondamentale est totalement ignorée.
Aucune politique d’harmonisation fiscale ne sera possible
L’harmonisation de la fiscalité des
entreprises au sein de l’Union exige l’unanimité du Conseil des ministres
(III-171 et 173), ce qui la rend de fait impossible. Cela pousse à la
concurrence fiscale entre pays, c’est-à-dire, à terme, à l’imposition zéro des
entreprises.
Aucune politique de l’environnement n’est possible
Les lois sur l’environnement exigent
l’unanimité du Conseil (III-234-2), ce qui les rend, de fait, impossibles.
Aucun grand projet européen d’intérêt général ne sera
possible
L’article III-247-1-c conditionne le
soutien de l’Union à des projets de réseaux trans-européens de transports, de
télécommunications ou d’énergie à « leur viabilité économique »,
c’est-à-dire à leur rentabilité immédiate, plutôt qu’à leur utilité économique
à long terme ou à leur utilité sociale ou environnementale.
Aucune politique sociale n’est possible
La politique sociale est subordonnée
à « la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie de
l’Union » (III-209) et doit éviter « d’imposer des contraintes administratives,
financières et juridiques » aux PME (III-210-2-b).
Le projet de directive européenne Bolkestein sur les
services s’encastre parfaitement dans le traité
Ce projet de directive illustre
parfaitement la logique du traité constitutionnel européen. Il vise à
libéraliser les services dans l’Union, en leur appliquant le principe dit du
« pays d’origine » quant aux droits sociaux. Ainsi une agence de
placement ou un cabinet de conseil pourraient établir leur siège social dans un
pays à faible protection sociale et fournir leurs services en France par
exemple, sans avoir à respecter le droit à
Au total, le traité constitutionnel
européen n’a même pas conservé la partie du préambule du traité de Rome qui
fixait « pour but essentiel » à la construction européenne,
« l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi des
peuples ».
Pour réaliser l’Europe sociale, il
aurait fallu remettre en cause les critères de convergence issus du traité de
Maastricht, changer les statuts de
Dans la réalité, avec le texte actuel, tout ce qui sert le marché et les
profits sera renforcé, tout ce qui sera considéré comme « une entrave au
marché » et à la « concurrence libre et non faussée » sera
rejeté grâce à la possibilité de faire jouer le veto d’un seul Etat membre. Un
mécanisme économique, la concurrence, est érigé en principe d’organisation de
la société.
La situation qui pourrait être créée en cas de victoire du
« non »
Une campagne de peur et de
dramatisation des enjeux du référendum est actuellement orchestrée par certains
des partisans du « oui ». En revanche, la victoire du
« non » est présentée comme la certitude de la crise et même du
chaos, ce serait la fin de l’Europe.
Quelle serait la situation la plus probable si le « non » l’emportait ?
Sur le plan juridique, il ne se passerait rien. C’est le traité de Nice, en
vigueur depuis le 1er mai 2004, qui resterait le système légal régissant
l’Union européenne. Sur le plan social, le rapport de force deviendrait
favorable à ceux qui contestent le néolibéralisme, il stimulerait les luttes
sociales et syndicales, il accentuerait la pression sur le gouvernement
Raffarin.
Sur le plan politique, il favoriserait une véritable alternative en 2007.
Sur le plan européen, il encouragerait les forces sociales des autres pays
européens. Ce rapport de force ouvrirait la voie à la négociation d’un nouveau
traité européen, afin de refonder l’Union européenne sur des bases différentes.
Le référendum qui s’annonce a donc
une portée historique. Il offre la possibilité de dire « non » aux
politiques néolibérales qui maltraitent la société depuis plus de 20 ans. Car
la véritable question posée lors de ce référendum sera « oui » ou
« non » au néolibéralisme. La victoire du « non » est une
immense chance, à ne pas laisser échapper, pour reconstruire l’Europe sur de
nouvelles bases.
Cette bataille vaut la peine d’être menée à fond. Il n’y a pas une minute à
perdre !
Jacques Nikonoff, président d'Attac-France
Voir aussi "Huit bonnes raisons de dire "non" à la Constitution"(J.G)
Voir aussi "Au nom de l'Europe c'est non!" (J.G.)
Téléchargez la Constitution européenne
madale,monsieur
je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas proter plainte
pour ce qui ce passe dans les paradis fiscaux alors que le
mobile est simple et car le detournement fiscal est un delit
international et le fait de ne pas payer de taxe un crime
contre l'humanité si on suis a la lettre la declaration des droits
de l'homme des pays tieurs comme andore sont des bandis
ps