Suite des Quelques vérités sur la directive Bolkestein. Par Raoul Marc Jennar................................................................................................Directive Bolkestein : Vous cherchez plutôt une information basique et complète sur cette fameuse directive ? Cliquez ici.
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Un
texte de la direction du PS est intitulé « Pourquoi
le traité est un rempart contre les dérives libérales type Bolkestein ? »
Une fois de plus, cet argumentaire est un outil de désinformation. Il est
destiné à tromper.
La
direction du PS affirme que « la directive Bolkestein contredit,
notamment, l’article I-3 qui prévoit que : « l’Union
œuvre pour...une économie sociale de marché qui tend au plein emploi et au
progrès social.un niveau élevé de protection et d’amélioration de la
qualité de l’environnement...Elle promeut la justice et la protection
sociales ».
Ce
que la direction passe sous silence c’est ce que dit l’article 177 : « Aux
fins de l’article I-3, l’action des Etats membres et de l’Union comporte
l’instauration d’une politique économique (…) conduite conformément au respect du principe d’une économie
de marché ouverte où la concurrence est libre. » A 68
reprises dans le traité constitutionnel, le plein emploi, le progrès social,
la justice et la protection sociales sont soumis au « respect
d’une économie de marché ouverte ou la concurrence est libre et non faussée .»
C’est-à-dire non pas à une économie
de marché comme nous l’avons connue depuis la Libération, limitée, encadrée,
conditionnée, mais une économie de marché néolibérale, une économie où
l’Etat est réduit à des fonctions sécuritaires (article 5), une économie
où la concurrence n’est plus limitée par des droits sociaux, par des
obligations fiscales, par des contraintes environnementales, par des choix
politiques légitimes. Une économie de marché sur le modèle des accords de
l’OMC. A l’opposé du modèle européen.
La
direction du PS cite l’article III-209 de la manière suivante :
« L’Union et ses Etats, conscients des droits sociaux fondamentaux
... ont pour objectifs la
promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de
travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale
adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines
permettant un niveau d’emploi élevé et durable... Ils estiment qu’une
telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché intérieur qui
favorisera l’harmonisation des
systèmes sociaux que des procédures prévues par la Constitution et du
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres ».
Complétons
d’abord le texte. Les mots qui manquent (là
où il y a … sont les suivants : « tels
que ceux énoncés dans la Charte sociale européenne signée à Turin le 18
octobre 1961 et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux
des travailleurs de 1989 »
Une
fois qu’on dispose de la totalité du texte, on peut en déduire :
a)
que l’Union et les Etats sont « conscients
des droits sociaux», c’est-à-dire qu’ils savent que ces droits
existent ; on est bien heureux de l’apprendre ; mais cela ne signifie
pas que ces droits sociaux sont désormais des droits consacrés, comme ils le
sont dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (à laquelle
l’Union n’adhère pas) ou comme ils le sont dans certaines
Constitutions et législations nationales;
b)
que l’Union n’adhère ni à la Charte sociale européenne de Turin, ni à
la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux ; le texte y fait
référence, il n’annonce pas l’adhésion qui créerait des obligations ;
c)
que l’évolution (c’est-à-dire la réalisation des objectifs énumérés)
se fera par une harmonisation désormais soumise aux fluctuations du marché.
Cette information capitale nous ramène à la proposition Bolkestein qui
abandonne l’harmonisation au profit de la loi du marché.
Evoquant
les services publics, une fois de plus, la direction du PS confond « service
d’intérêt économique général » (SIEG) et « service public »
alors que le Livre Blanc de la Commission européenne, approuvé par le
Conseil des Ministres, précise (p. 23) que ces deux expressions « ne
doivent pas être confondues ». La direction du PS indique que la
Constitution prévoit qu’une loi-cadre européenne peut être votée pour
permettre que « ces services fonctionnent sur la base de principes et
dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions. »,
mais il s’agit des SIEG. Pas des services publics, totalement absents
d’une «Constitution » qui ne consacre nulle part la notion de service
en vue de créer une égalité de droits, notion incompatible avec le principe
d’une « concurrence libre et
non faussée» à laquelle sont soumises toutes les politiques de
l’Union.
Evidemment,
la direction du PS passe totalement sous silence les articles essentiels du
traité constitutionnel en ce qui concerne les services :
-
article 4 : « Libertés
fondamentales et non-discrimination. La libre circulation des personnes, des services,
des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement,
sont garanties par l’Union… » On notera l’usage du verbe
« garantir » qui n’était pas employé lorsqu’il s’agissait
des droits sociaux.
-
Sous section 3, Liberté de prestation des services , article 144 :
« Dans le cadre de la présente
sous-section, les restrictions à la libre prestation des services sont
interdites à l’égard des ressortissants des Etats membres établis
dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation. »
Qu’est-ce qu’une « restriction à la libre prestation des
services » ? On ne nous le dit pas, mais chacun le sait. Il
s’agit des obligations de service public, du financement public qui fausse
la concurrence, de dispositions légales ou réglementaires adoptées par les
pouvoirs publics dans l’intérêt général. Il n’est pas indifférent de
savoir que la Commission européenne considère « le
pouvoir discrétionnaire des autorités locales » comme un obstacle
à la concurrence (document IP/02/1180
du 31 juillet 2002) !
-
article 147 : « La
loi-cadre européenne établit les mesures pour réaliser la libéralisation
d’un service déterminé. »
-
article 148 : « Les
Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà
de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne… »
La
libéralisation des services, c’est-à-dire l’obligation de les soumettre
aux lois de la concurrence, déjà imposée par l’Accord Général sur le
Commerce des Services (AGCS), figure, sans contestation possible, au programme
du traité constitutionnel que la proposition Bolkestein ne fait
qu’anticiper. La proposition Bolkestein est une mise en œuvre aggravée de
l’AGCS et une anticipation de ce que va favoriser le traité constitutionnel
européen.
Rappelons
que la proposition Bolkestein se donne pour objectif de « renforcer
la position de négociation » de l’Union européenne dans le
cadre de la mise en oeuvre de l’AGCS (P. 16). Or, on sait avec quelle
agressivité l’Union européenne tente d’imposer la privatisation des
services partout dans le monde. On sait les positions que le socialiste Pascal
Lamy a défendues dans ce sens à l’Organisation Mondiale du Commerce (voir www.urfig.org
– AGCS), proposant à la table des négociations de l’OMC un texte qui
annonce que la mise en œuvre de l’AGCS doit se faire « aucun
secteur de service n’étant exclu a priori » tout en écrivant, au
même moment, dans le journal « Le Monde » « qu’on ne
touchera pas à l’enseignement, à la santé et à la culture » (5
sept. 2003). La duplicité des libéraux de gauche sur l’AGCS conduit tout
naturellement à leur duplicité sur le traité constitutionnel européen.
Puisqu’ils défendent la même soumission des peuples aux lois du marché.
Rappelons
que le chef de file des députés européens socialistes français, M. Bernard
Poignant, est un grand défenseur de l’AGCS (il a même publié une brochure
à ce propos) et du traité constitutionnel. Rappelons aussi que plusieurs députés
européens, membres du PS et partisans de la Constitution européenne, ont émis
un vote favorable à une résolution du Parlement européen demandant à la
Commission de présenter une proposition de directive libéralisant les
services et considérant le principe du pays d’origine comme « essentiel
à l'achèvement du marché intérieur des biens et des services »
(voir
note URFIG « Quelques vérités sur Bolkestein » et « Bolkestein :
les preuves » – www.urfig.org).
Cette résolution du Parlement
est d’ailleurs explicitement citée dans l’exposé des motifs de la
proposition de directive (page 7).
Rappelons aussi que la direction du PS, qui justifie son soutien à la Constitution européenne notamment par l’appui de tous les autres partis socialistes et par la nécessité de « ne pas être socialiste tout seul » (il est bien loin le temps où le socialiste Jaurès n’avait pas peur d’affronter la social démocratie …), passe sous silence l’appui, beaucoup plus cohérent, des amis « socialistes » allemands et des amis « socialistes » britanniques à la fois à la Constitution et à la proposition Bolkestein.
Ainsi,
le gouvernement allemand dont les politiques néolibérales vont jusqu’à
provoquer l’éclatement du principal parti gouvernemental, le SPD, vient de
déclarer par la voix de son ministre de l’économie, M.Wolfgang
Clement, que l’Allemagne soutient la proposition de directive sur les
services et il a ajouté : "La
position actuelle du gouvernement est que nous devons garder le principe du
pays d’origine et c’est ce qui va se passer » (Source :
Centre for a Social Europe (Londres), 23.02.2005).
Et
de son côté, le Commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, un
travailliste Britannique qui déclarait « « face
au besoin urgent de supprimer les rigidités et d’inclure de la flexibilité
dans les marchés des capitaux, du travail et des marchandises, nous sommes
tous des thatchériens » (The Times,10 juin 2002), vient
d’affirmer : « Les
adversaires de la directive sur les services veulent protéger des règles
protectionnistes nationales qui continuent d’imposer des prix élevés aux
consommateurs.(…) La Commission
ne devrait pas reculer devant ces pressions illégitimes »
(The Guardian, 15 février 2005).
Les précisions qui précèdent, on ne les retrouve pas dans les textes de la direction du PS. On ne les trouvera pas davantage dans la plupart des médias français qui semblent, sur l’Europe, avoir renoncé au pluralisme des opinions et se livrent à de la désinformation systématique. Dernier exemple, à propos de la proposition Bolkestein : « la directive n'est plus d'actualité à Bruxelles » affirme Le Figaro (2 mars). On vient de voir ce qu’il en est.
On
nous trompe sur Bolkestein. On nous trompe sur le traité constitutionnel
européen. Allons-nous dire « oui » à ceux qui nous trompent ?
Raoul Marc JENNAR
chercheur,
animateur de l’URFIG (03.03.2005)
est notamment l'auteur de Europe : la trahison des élites, Fayard, 2004.
Consultez les travaux de l'URFIG,
Unité de Recherche, de Formation et d'Information sur la
Globalisation
Voir aussi "Huit bonnes raisons de dire "non" à la Constitution". (J.G)
Voir aussi "Au nom de l'Europe c'est non!" (J.G)
Téléchargez la Constitution européenne
Je suis sympathisant socialiste depuis que je vote. A l'heure actuelle, après plusieurs débaats contradictoires organisées sur le net, après la lecture de ce texte, des commenteurs de commentateurs de tous bords (toujours grace au net), je sais que je voterai non à la question posée par le référendum de 29 mai.
PAR contre, s'il vous plait, pourquoi à votre avis les actuels dirigeants du PS appellent-ils à voter oui ?
Quels intérêts ont-ils? Quelle stratégie visent-ils.?
Je sais bien que ce serait plutot à eux de répondre, aussi je les ai interrogés, mais je n'arrive pas à avoir de réponse.
Cordialement