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Le PS doit-il défendre l’individualisme ?

Brève tribune publiée dans l'Hebdo des socialistes

Par Jacques Généreux • Parti de Gauche-Socialisme • Dimanche 24/02/2008 • 3 commentaires • Version imprimable

Dès ses origines, le socialisme s’oppose à la conception individualiste atomistique qui nourrit aujourd’hui l’idéologie néolibérale. Le socialisme est né d’une réaction anti-individualiste à l’extension d’une logique de compétition engendrée par le capitalisme industriel. Il a ensuite évolué vers la quête d’une société qui concilie l’émancipation de tous les êtres singuliers et la cohésion sociale. Il devient alors le véritable héritier des Lumières et de la philosophie libérale, tout en les dépassant par le rôle déterminant reconnu à l’action politique dans la nécessaire transformation de la société et le combat contre les inégalités sociales. Le socialisme des origines ne promeut pas l’individualisme, idéologie et méthodologie qui n’envisage la société qu’en tant que juxtaposition d’êtres indépendants, seuls responsables de leurs choix, seuls déterminants des faits sociaux. Il cherche l’émancipation d’un individu complet, ce que Fournière désigna comme un « individualisme social ».

De nos jours, toutes les sciences confirment que l’individu est un être social, non par nécessité ou intérêt économique comme l’ont entendu les libéraux, mais parce que sa construction psychique comme être singulier, comme « sujet », se fait par ses liens et ses relations aux autres. Dès lors, le projet d’émancipation ne peut consister dans la quête d’une illusoire « indépendance », mais dans la promotion des formes d’interdépendance sociale qui autorisent la libération du sujet singulier sans détruire les liens qui le constituent. Cette position conduit à rejeter avec autant de vigueur la dissociété individualiste, qui contraint l’être singulier à s’épanouir dans la lutte contre autrui, et l’hypersociété collectiviste qui atrophie l’initiative et les libertés individuelles. La société de progrès humain est celle qui offre à chacun une égale capacité de s’épanouir selon ses choix propres, mais dans la cohésion et la solidarité avec tous les autres. C’est cela le « socialisme » moderne qui dépasse à la fois l’individualisme et le holisme. Certes, face à la résurgence des communautarismes, le réveil des aspirations individualistes peut sembler un outil de lutte contre l’aliénation. Mais le repli communautaire n’est qu’une réaction à une société trop individualiste dans laquelle les individus, et singulièrement les jeunes, ne savent plus quelle norme collective est légitime. Le défi politique du XXIe siècle est de reconstruire des normes collectives légitimes sans retourner à l’ordre religieux et communautaire des sociétés pré-modernes.

 

Jacques Généreux

Commentaires

de l'hypertrophie collectiviste par guillaume le Lundi 09/03/2009 à 00:33

Bonjour,
j'apprends aujourd'hui (tard effectivement) que vous avez quitté le PS pour rejoindre le parti socialiste. J'en suis très déçu, étant donné la perte que celà constitue pour le PS qui se situe en pleine réflexion sur son identité et sur ce qu'il doit proposer dans les années à venir. Votre présence me semblait très importante, bien que je n'ai pas soutenu le même candidat que vous lors du congrès.

Je voulais vous poser une question. Sans tomber dans une caricature excessive, l'hypertrophie collectiviste, ou le "gauchisme" que vous dénoncez ne se rapproche-t-il pas de l'offre politique du NPA portée par O. Besancenot. Quel est alors le positionnement du PG par rapport au NPA? Etes-vous en total accord avec la main tendue par Mélenchon avant la constituion des listes européennes, ou rejetez-vous toute alliance avec ce parti?

Je vous souhaite bon courage pour la future échéance électorale.


analogie avec un autre livre... par Marc le Dimanche 29/03/2009 à 18:41

Bonjour

sur ce sujet, le livre "révolutionnaire" de V.Peillon me paraît défendre précisement les mêmes thèses (les seules défendables, j'ai l'impression), solidarisme etc..., enrobées dans leur histoire. Ceci suggère que ce qui importe est surtout d'avoir la thérie, la pratique et expliciter sans cesse le lien bidirectionnel : en quoi la pratique est-elle une concrétisation de la théorie, en quoi la théorie est-elle une généralisation et une cohérence de la pratique.

Au plaisir de vous relire, votre dernier livre est dans la poste. J'ai lu dans "la dissociété dans le train toulouse-nantes", je me suis réjouis que le parcours soit interminable...


à l'aide par Lecteur de Nantes le Lundi 30/03/2009 à 23:21

Bonjour

comme vous êtes économiste, je me suis dit que vous pourriez peut-être m'aider. Je suis, comme vous, enseignant-chercheur. Mais voilà, pas encore économie ! Et pourtant, je passe mes journées à calculer des coûts marginaux à règles tacites, éviter des provisions pour amortissements où l'université va me "voler mes sous", à fouiller dans les règlements financiers de l'ANR, à piquer des factures à mon voisin car le CNRS et l'ANR se rejetent la responsabilité de payer le téléphone à la secrétaire de l'équipe, qui elle est payée sur un contrat mal financé, à moins de 70% du temps sinon son CDD ne pourra être reconduit pour l'éternité, puisque le ministère ne veut pas de CDI pour les fonctionnaires B et C.

J'ai reçu votre nouveau livre par la poste ; commandé avant-hiver, arrivé ce matin. Vous l'avez deviné, la commande n'est pas passée par les marchés publics ! Je pressens que j'y trouverai une vision du monde où l'ambiance de compétition (ANR et al.) nous transforme, nous chercheurs et socialistes à la fois, en petits engrenages obéissants et inquiets de leur CV. Vivement le temps pour le lire.



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