A l'occasion d'un débat autour de mon livre sur la Constitution européenne [et celui de Philippe Moreau-Defarges, partisan du oui], à la Mairie de Boulogne-Billancourt en avril, on me demande un court texte de 1400 signes maxi, pour résumer mon point de vue en trois ou quatre points. Voilà ce que cela donne en 1385 signes ! Pour ne pas rester sur votre faim d'arguments reportez vous à mes Huit bonnes raisons de dire non (argumentaire de 10 pages) et aux 160 pages de mon Manuel critique du parfait Européen, bien sûr ;-))
La Constitution en quatre mots : anti-démocratique, anti-économique, anti-sociale, anti-européenne.
Ce texte est une insulte à la démocratie : il détermine à l’avance une orientation ultralibérale des politiques économiques et sociales. Une Constitution ne devrait déterminer que le cadre institutionnel qui permet aux citoyens européens de choisir, au fil du temps, l’orientation plus ou moins libérale de ces politiques.
Ce texte est une injure au bon sens économique et géopolitique : il organise l’impuissance de l’Europe dans la compétition mondiale avec des puissances nationalistes fermement déterminées à et armées pour défendre leurs intérêts. L’Union est la seule entité politique au monde qui s’interdit dans sa Constitution l’usage de tous les instruments de politique économique ou industrielle : emprunts, déficit, protection douanière, aides publiques, taux d’intérêts, etc.
Ce texte est la porte ouverte à l’Europe de la guerre économique permanente, du dumping social et des délocalisations. Alors que l’entrée de dix nouveaux pays où la main d’œuvre est quatre ou cinq fois moins chère qu’à l’Ouest exigeait une stratégie d’harmonisation progressive du droit social par le haut, celle-ci est explicitement interdite (art.210) !
Au total, cette Constitution est anti-européenne. Elle marque la victoire de tous ceux qui ont toujours combattu le projet d’une Europe puissance politique et préfèrent une simple zone de libre échange, sous protectorat militaire américain.
PS : J'anticipe les réactions des eurobéats qui n'ont pas lu comme moi une dizaine de fois les 448 articles de la Constitution et qui auront beau jeu de dire qu'il n'y a là qu'affirmations sans preuves. Par définition le résumé d'une analyse en dix lignes n'est que le résumé d'une analyse en dix lignes, et non l'analyse elle-même ! Les preuves se trouvent dans le livre de 160 pages que je viens d'y consacrer. Et dans les dizaines de débats auxquels j'ai participé personne n'a su me démontrer le contraire, y compris mes camarades Olivier Duhamel et Dominique Strauss Kahn. Mais, comme je ne peux évidemment me contenter de répondre "vous n'avez qu'à lire mon livre !, je proposerais dans les jours à venir une mini-démonstration de chacune des quatre affirmations présentées da façon lapidaire ci-dessus. ;-)))
Voir aussi "Huit bonnes raisons de dire "non" à la Constitution".
Voir aussi "Au nom de l'Europe c'est non!"
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J'ai fini la lecture de votre ouvrage très tot ce matin et je vous remercie d'avoir mis des mots sur tout ce qui m'avait choqué dans les quelques articles que j'avais lu du traité. Je vous remercie de m'avoir donné enfin une explication sur une "économie sociale de marché", dont j'avais bien compris qu'une telle notion n'existait pas dans le réel mais je me demandais comment une telle expression pouvait se traduire (et se comprendre ?!) en espagnol, en anglais, en suédois, en estonien, me disant que peut-être une telle notion existait ailleurs ! Un jeune homme de 16 ans à qui je lisais l'article consacré à d'éventuels troubles ou guerres et les mesures qui devraient être prises pour éviter que le marché intérieur soit troublé a eu cette réflexion :"mais c'est complètement anti-humaniste" et il a rajouté : "même les fascistes, italiens ou espagnols voulaient le bien de leur peuple. Ici il n'y a que le fric qui compte !". J'envisageais de faire une lecture à voix haute, dans mon appartement de votre livre, et d'y convier mes voisins intéressés : j'habite une H.L.M parisienne. Me donneriez vous l'autorisation de le faire ? Je vous remercie de ce livre de combat et d'espoir. Jacqueline Crozet