Lettre ouverte aux socialistes
Chère camarade, cher camarade,
Notre parti s’est prononcé pour
l’adoption du projet de Constitution Européenne au terme d’un référendum
interne.
Pour ma part, j’ai fait campagne pour
son rejet et continue à penser qu’en avalisant ce texte, notre parti, comme le
Parti Socialiste Européen, commet une erreur historique. Par respect pour notre
démocratie interne je me serais néanmoins résigné à rester sur ma réserve et à
voter NON, le jour venu, comme beaucoup
d’entre vous.
Mais le contenu de notre campagne
ainsi que notre difficulté à faire exister un « OUI de Gauche » tout
en nous opposant comme il conviendrait à un gouvernement qui poursuit
imperturbablement son entreprise de démolition sociale pose problème. Tout
comme l’émergence de textes et de déclarations de la Commission Européenne qui
mettent en évidence l’existence d’un véritable « bloc libéral » que
l’on cherche à faire avaliser par
Sur la tonalité de notre campagne, j’ai beaucoup de
difficulté à comprendre comment notre parti est passé d’une position unanime de
refus, qui explicitait clairement les raisons pour lesquelles ce texte nous
paraissait inacceptable, à un soutien aujourd’hui inconditionnel et
enthousiaste. Alors que les seuls changements apportés lors de son adoption
définitive ont été régressifs par rapport aux conditions qui motivaient notre
refus, M.Chirac, dans la dernière ligne droite, ne nous ayant pas fait de
cadeaux.
Suffit-il, dans ses conditions, pour
expliquer notre récente ferveur envers ce traité de proclamer que le «
OUI de Gauche » à lui seul permettrait une nouvelle interprétation de ce
texte ? Une nouvelle lecture qui ferait apparaître les promesses de
« plus de démocratie », de
« plus de social » et l’existence de nouvelles garanties pour nos
services publics ? Quand bien même le « OUI de Gauche » aurait
cette vertu- ce que je ne crois pas - comment le faire exister face à un
président qui pratique la politique avec cynisme en multipliant les embûches et
les embuscades. Comment le faire vivre aux cotés d’un gouvernement exsangue qui
n’a plus pour viatique que l’espérance d’un succès référendaire ? Il faut,
nous dit-on, faire la distinction entre politique intérieure et politique
européenne : MM Chirac et Raffarin s’engagent à le faire. Mais comment les croire ? Quel crédit
ont-ils accordé, en 2002, aux voix de gauche qui s’étaient mobilisées à leurs
cotés pour « sauver la République » ?
Les vertus que nous prêtons à ce
traité ne s’arrêtent pas là puisque j’entends dans nos rangs que l’adoption de
ce projet offrirait une garantie contre l’adoption de la directive
Bolkestein . C’est une contre-vérité à laquelle je ne puis m’associer. Car en réalité, ce projet de directive qui
se propose d’organiser un véritable dumping social à domicile a déjà une longue
histoire qui aurait du nous alerter plus tôt. Il n’est que la face visible
d’une orientation politique précise dont l’autre aspect est l’impossibilité,
qui figure dans le traité, d’une harmonisation fiscale à la majorité qualifiée.
Si l’on ajoute à cette menace, provisoirement escamotée, le projet de directive
sur le temps de travail ainsi que les encouragements donnés par la commission
européenne aux délocalisations, le choix d’une Europe libérale, d’un système
patiemment construit, apparaît sans ambiguïté. C’est cette Europe du marché roi
et de « la concurrence non faussée », cette Europe des actionnaires,
« hautement compétitive » pour les dividendes mais pas pour le
pouvoir d’achat, cette Europe de la précarité et du chômage que l’on nous
propose de ratifier à travers le vote de cette constitution qui en reprend tous
les fondements juridiques dans son titre III.
Nous ne pouvons plus feindre de
l’ignorer.
Encore faut-il, pour tromper
En se révélant inapte à opposer à
cette mystification la perspective d’un projet « Euro-progressiste »,
la social démocratie commet une lourde erreur. En renonçant à poser avec force
la question centrale de la protection de l’emploi et du salariat dans un
contexte de libre-échange débridé, c’est à dire la question des
délocalisations, elle prend un risque pour elle même et pour la démocratie.
En refusant de porter l’espérance d’une Europe sociale, solidaire et
humaniste, elle ouvre la voie à la désespérance dont se nourrira l’extrême
droite. Elle creuse la rupture politique qui se produit entre le bas et le haut
de la pyramide sociale, elle est également dangereuse pour la démocratie.
Nous avons toujours proclamé
notre volonté de faire de l’Europe le niveau pertinent de résistance à la
mondialisation libérale. Un Oui, fusse-t-il de gauche, ne me paraît pas
s’inscrire dans cette ambition.
C’est pourquoi, après avoir mûrement
réfléchi, j’ai décidé, sans renier mon engagement européen, de faire publiquement campagne pour le NON
en espérant ne heurter personne.
On vous dira que voter Non, c’est
voter contre l’Europe. On le martèlera. Mais il faut, cette fois-ci, dire NON à
ce traité et tout ce qu’il implique, pour ne pas renoncer à l’Europe politique,
comme nous y engagent ceux qui
expliquent qu’il est désormais trop tard après un élargissement raté qu’ils ont
fait en dépit du bon sens.
Voter NON, ce n’est pas voter contre
l’Europe, c’est au contraire préserver la possibilité d’une Europe fédérale,
démocratique et sociale à partir d’un noyau de pays volontaires plus restreint.
C’est exiger une nouvelle constitution simple et lisible se contentant de
définir des processus de décision et une répartition claire des compétences.
Voter NON, ce n’est pas voter contre
l’Europe . C’est la possibilité, qui ne se représentera pas de sitôt, de
donner un coup d’arrêt à la dérive libérale qui déchire la gauche. C’est saisir
la chance de favoriser l’émergence d’un projet « Euro-progressiste » qui
la rassemble.
Telle est ma seule ambition. J’espère
que tu le comprendras.
J’espère surtout que, d’une manière
ou d’une autre, tu la partageras.
Amicalement,
Pour nous rejoindre, un site : www.nonsocialiste.fr
A Langon, le 04 mars 2005,
L’AGAUREPS-Prométhée souhaite que des convergences, pouvant déboucher sur des actions communes, puisse s’instaurer avec les courants dits minoritaires du Parti socialiste, et de manière plus large avec tous ceux qui ne se résolvent pas à une Europe libérale.
L’enjeu de ce référendum est de taille ; il s’agit d’élaborer une alternative sur des bases républicaines et sociales à l’Europe qui nous est ainsi proposée. L’Europe démocratique et sociale passe nécessairement par le respect de la souveraineté populaire ainsi que par la défense et la promotion de notre modèle social, également menacés tout au long de ce texte constitutionnel démesurément long et obscur.
L’AGAUREPS-Prométhée considère que l’émergence sur ces bases d’un Non de gauche à visée unitaire constitue une priorité absolue. La décision prise par Henri EMMANUELLI s’inscrit résolument dans cette optique. Nous nous en réjouissons.
Pour l’AGAUREPS-Prométhée,
le secrétaire administratif, Francis DASPE
Site de L'Association Pour la Gauche Républicaine et Sociale '(AGOREPS)