« L’effort aurait dû porter sur au moins 100 milliards d’euros »
Le plan de relance est-il à la hauteur des dégâts provoqués par la crise et utilise-t-il les bons leviers ?
Jacques Généreux. Il faut rappeler que 10 des 26 milliards d’euros de ce plan ne sont que des remboursements anticipés de l’État aux entreprises. Restent 16 milliards, auxquels il faut ajouter entre 3 et 4 milliards, conséquences des dernières mesures annoncées. Au total 20 milliards d’euros, soit 1 % du PIB français, quand les États Unis ou la Chine ont injecté l’équivalent de 5 % à 6 % de leur PIB. Ce plan est donc largement au-dessous de l’effort nécessaire. La droite reste conditionnée par son mode de pensée selon lequel les mécanismes du marché allaient finir par nous sauver. Le choix d’une relance presque exclusivement basée sur l’investissement est, de ce point de vue, une erreur grossière. Il ne peut aboutir à un redémarrage rapide de l’activité puisqu’il y a un délai de mise en oeuvre des procédures, des commandes et des opérations d’investissement. L’impact réel de ces mesures sur l’économie en 2009 n’atteindra peut-être même pas 0,5 % ou 0,6 % du PIB. pendant que nous connaîtrons une perte de 3,5 points de croissance.
Combien l’État aurait-il dû investir et sous quelle forme ?
Jacques Généreux. Sur deux ans, l’effort aurait dû porter sur au moins 100 milliards d’euros, dont la moitié aurait pu agir dès cette année. La partie investissement aurait dû être beaucoup plus massive. Mais il fallait aussi revaloriser les minima sociaux et agir sur les bas salaires, en augmentant le SMIC, quitte à ce que l’État compense cette augmentation, le temps de la crise, par des aides apportées aux PME.
Un supplément de salaire qui serait alors apporté indirectement par l’État ?
Jacques Généreux. Dans l’urgence, puisque l’État est tenu d’intervenir, autant qu’il le fasse en soutien aux salariés, car ils ne vont pas thésauriser mais mettre cet argent directement au service de l’économie. Il ne s’agit pas d’un nouveau revenu social apporté par l’État. Une fois passée la crise, l’augmentation du SMIC est acquise et ce sont les entreprises qui paieront ce gain de pouvoir d’achat. En trois augmentations successives de 10 % sur dix-huit mois, on peut porter le SMIC à 1 500 euros nets. Par ailleurs, il faut stopper la suppression de postes dans la fonction publique mais aussi en créer là où c’est nécessaire. L’État ne peut contribuer lui-même à l’augmentation du chômage. Côté ressources, l’abolition du paquet fiscal rapporterait 15 milliards en années pleines. Du même coup, on sort du système pervers de défiscalisation des heures supplémentaires qui peut inciter les entreprises à diminuer leurs effectifs, sachant qu’elles peuvent recourir à un surcroît d’heures qui lui coûtera moins cher.
Le plan de renflouement des banques a-t-il eu l’effet escompté ?
Jacques Généreux. Il a seulement sauvé le système interbancaire, mais n’a pas permis de garantir le crédit aux PME. Des milliers de petites entreprises en ce moment risquent de déposer le bilan simplement parce qu’il leur manque 5 000 ou 6 000 euros que personne ne veut leur prêter. À terme, il est nécessaire de mettre en place un pôle public bancaire qui assume des fonctions de financement de l’économie au nom de l’intérêt général et non de la quête de profits. Mais, dans l’urgence, il fallait instaurer un système de garantie des prêts aux PME par le biais de fonds publics.
Entretien réalisé par Frédéric Durand
http://www.humanite.fr/2009-03-05_Politique_-L-effort-aurait-du-porter-sur-au-moins-100-milliards-d-euros