Présentation générale des travaux de douze économistes expliquant pourquoi le traité constitutionnel consacre un modèle anti économique et anti social, et justifie donc pleinement leur opposition sans appel. Après la lecture de cette introduction vous pourrez accéder à chacune des contributions de ces économistes et les diffuser le plus largement possible.
Introduction générale
Par Gilles Raveaud*, Aurélien Saïdi**, Damien Sauze***
La construction européenne
est souvent présentée, à juste titre, comme un projet essentiellement
économique. C’est au nom de l’efficacité supposée de la concurrence et des
bienfaits attendus du « grand marché » que les principales politiques
européennes ont été menées. Aujourd’hui, l’échec de ces politiques est
patent : on ne vit pas mieux en Europe, et singulièrement en France,
depuis que nos vies sont encadrées par
Affaire de temps, de patience ? On nous l’a longtemps dit. Mais notre patience a des limites. Et il est temps de voir la réalité en face : si l’Union européenne échoue à promouvoir le bien-être de ses citoyens, elle est remarquablement efficace dans sa capacité, depuis la signature de l’Acte Unique en 1986, à définir et à mettre en œuvre un nombre croissant de politiques. Ces politiques ont une caractéristique commune : elles recherchent la concurrence, plutôt que la coopération. Si le projet européen s’est identifié à ses débuts avec la pacification des relations internationales sur notre continent, il n’en va pas de même, depuis une génération environ, en matière économique et sociale. Dans ces domaines, c’est le chacun pour soi et la guerre de tous contre tous qui prévaut.
Cette situation, si éloignée de l’Europe sociale, démocratique et solidaire avec les pays pauvres que l’on nous avait promise, nous conduit à une certaine désillusion à l’égard de la construction européenne, comme nous l’expliquons dans le texte qui suit. Elle nous amène aussi à examiner de près le contenu du traité constitutionnel européen (TCE) sur lequel nous allons nous exprimer dans quelques semaines. Nous avons ainsi demandé à des économistes confirmés de nous livrer leur analyse du TCE. Pour eux, le jugement est sans appel : loin des lectures enchantées du texte, le TCE ne contient aucune « avancée » substantielle.
Rupture que tout cela ? Si l’on se réfère aux espoirs que certains pouvaient nourrir dans les années 1950, sans doute. Mais au regard des vingt dernières années, ce n’est pas le terme qui vient en premier à l’esprit. Au contraire, le Traité constitutionnel européen (TCE) actuellement en discussion s’inscrit dans la continuité du tournant libéral des années 1980, celui qu’ont symbolisé Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux Etats-Unis. Ce tournant n’a pas épargné l’Europe. Qu’il s’agisse de la législation européenne sur les conditions de travail, des critères de versement des fonds structurels, ou de la politique à l’égard des services publics, les années 1980 ont marqué un tournant décisif en faveur du marché (Jean Gadrey).
En fait, le TCE nie la notion même d’intérêt général, pour lui substituer celle de politiques économiques limitant au maximum les droits sociaux et faisant des chômeurs les premiers responsables de leur situation (Christophe Ramaux). Il menace plus que jamais les services publics, au mieux réduits au statut de « service universel », c’est-à-dire de service minimum (Michel Husson). Il favorise les entreprises privées au détriment des entreprises publiques et des mutuelles, organise l’incapacité de la politique économique de type interventionniste, et promeut le libre échange sans restrictions (Liêm Hoang-Ngoc).
Rejeter le traité constitutionnel, ce n’est donc pas seulement protester contre tel ou tel article, ou condamner par avance les développements futurs de l’UE. C’est avant tout prendre le temps d’apprécier la nature de la construction européenne sous sa forme présente. Car la construction communautaire actuelle est également une construction intellectuelle, qui a pour caractéristique d’être bâtie sur la haine de l’Etat (Frédéric Lordon). Cette haine est bête et méchante. Mais elle est également dangereuse. En effet, il n’existe pas d’exemple de fédération ayant perduré dans le temps sans mécanismes redistributifs en son sein. Or, qu’on le veuille ou non, l’Europe est bel et bien aujourd’hui une organisation de type fédéral. Mais cette fédération (encore en devenir) d’Etats membres ne comporte aucun mécanisme de solidarité en son sein – comme l’égoïsme des Quinze à l’encontre des Dix l’a encore montré récemment avec le refus d’augmentation du budget européen.
De ce fait, poursuivre dans la voie de l’Europe libérale ne
serait pas seulement aggraver les inégalités au sein des pays et alimenter la
violence sociale. Ce serait également mettre en péril la construction
communautaire elle-même, le risque de sécession d’un pays devenant de plus en
plus probable à mesure que les inégalités iront croissant. La solidarité au
sein de l’espace européen n’est donc pas seulement souhaitable. Elle est
nécessaire (Bruno Théret). Et
finalement pas si difficile que cela à organiser. Accroître le budget
communautaire, développer la coordination des politiques économiques nationales
et demander à
Or ce n’est pas ce qu’ils ont fait au cours des deux décennies qui nous séparent de l’Acte unique. C’est pour infléchir la construction dans ce sens que nous refusons le traité constitutionnel. Rejeter ce traiter, c’est d’abord refuser de souscrire à des formulations inacceptables, comme celle du dogme de la « concurrence libre et non faussée ». Mais ce n’est pas que cela. C’est, immédiatement, mettre un coup d’arrêt aux politiques communautaires qui, telles le projet de directive Bolkestein sur la libéralisation des services, directement ou indirectement, mettent en péril nos services publics et notre Etat social – aussi imparfaits soient-ils. C’est opter pour un modèle social européen, éloigné du capitalisme à l’anglo-saxonne et de son mode de régulation par le marché. C’est promouvoir un modèle qui défendrait nos spécificités en matière de services publics, de protection sociale et de protection de l’emploi (Bruno Amable et Stefano Palombarini).
Au total, dire Non, c’est remettre en cause la construction
européenne telle qu’elle s’est développée depuis deux décennies, avec sa
politique économique « stupide » et son mépris des conditions de vie
des individus. C’est s’offrir une respiration pour prendre la mesure de la
catastrophe en cours et tenter de renouer avec notre rêve d’une Europe terre de
solidarité et de justice en son sein comme en-dehors, c’est-à-dire l’Europe
pour laquelle nous avions voté en 1992.
Gilles Raveaud*,
Aurélien Saïdi**, Damien Sauze***
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* Docteur en Economie (Université Paris X – Nanterre) et enseignant (Institut d’études Européennes Université Paris VIII)
** Doctorant en Economie (Université Paris X – Nanterre – Institut Universitaire Européen de Florence)
*** Doctorant en
Economie (Université Paris I)
Bonjour, je vous écoute avec attention Jacques Généreux mais je trouve que france culture laisse peu de place au non dans la constitution. Chaque jour dans les matins Olivier Duhamel, A. Adler font campagne. Alors existe-t-il un collectif pour le non ?
comment sensibiliser pour le non ? Les sondages sont maintenant à 52 % pour le oui et notre seule "arme" demeure internet je pense. Bien entendu nous sommes tous européens mais nous ne voulons pas d'une Europe libérale et c'est maintenant que nous devons nous exprimer. Après, il sera trop tard.
Indiquez-moi des sites de collectifs pour le non. Merci. Cordialement et merci pour vos émissions. Marie MAUTOUCHET