S'identifier - Contact

Douze économistes contre la Constitution européenne

Par Jacques Généreux • Débat européen • Dimanche 17/04/2005 • 14 commentaires • Version imprimable

Présentation générale des travaux de douze économistes expliquant pourquoi le traité constitutionnel consacre un modèle anti économique et anti social, et justifie donc pleinement leur opposition sans appel. Après la lecture de cette introduction vous pourrez accéder à chacune des contributions de ces économistes et les diffuser le plus largement possible.

Introduction générale

Par Gilles Raveaud*, Aurélien Saïdi**, Damien Sauze***

La construction européenne est souvent présentée, à juste titre, comme un projet essentiellement économique. C’est au nom de l’efficacité supposée de la concurrence et des bienfaits attendus du « grand marché » que les principales politiques européennes ont été menées. Aujourd’hui, l’échec de ces politiques est patent : on ne vit pas mieux en Europe, et singulièrement en France, depuis que nos vies sont encadrées par la Banque Centrale Européenne, le Pacte de Stabilité et de Croissance, et les arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes visant à faire appliquer le droit de la concurrence.

Affaire de temps, de patience ? On nous l’a longtemps dit. Mais notre patience a des limites. Et il est temps de voir la réalité en face : si l’Union européenne échoue à promouvoir le bien-être de ses citoyens, elle est remarquablement efficace dans sa capacité, depuis la signature de l’Acte Unique en 1986, à définir et à mettre en œuvre un nombre croissant de politiques. Ces politiques ont une caractéristique commune : elles recherchent la concurrence, plutôt que la coopération. Si le projet européen s’est identifié à ses débuts avec la pacification des relations internationales sur notre continent, il n’en va pas de même, depuis une génération environ, en matière économique et sociale. Dans ces domaines, c’est le chacun pour soi et la guerre de tous contre tous qui prévaut.

Cette situation, si éloignée de l’Europe sociale, démocratique et solidaire avec les pays pauvres que l’on nous avait promise, nous conduit à une certaine désillusion à l’égard de la construction européenne, comme nous l’expliquons dans le texte qui suit. Elle nous amène aussi à examiner de près le contenu du traité constitutionnel européen (TCE) sur lequel nous allons nous exprimer dans quelques semaines. Nous avons ainsi demandé à des économistes confirmés de nous livrer leur analyse du TCE. Pour eux, le jugement est sans appel : loin des lectures enchantées du texte, le TCE ne contient aucune « avancée » substantielle.

Rupture que tout cela ? Si l’on se réfère aux espoirs que certains pouvaient nourrir dans les années 1950, sans doute. Mais au regard des vingt dernières années, ce n’est pas le terme qui vient en premier à l’esprit. Au contraire, le Traité constitutionnel européen (TCE) actuellement en discussion s’inscrit dans la continuité du tournant libéral des années 1980, celui qu’ont symbolisé Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux Etats-Unis. Ce tournant n’a pas épargné l’Europe. Qu’il s’agisse de la législation européenne sur les conditions de travail, des critères de versement des fonds structurels, ou de la politique à l’égard des services publics, les années 1980 ont marqué un tournant décisif en faveur du marché (Jean Gadrey).

En fait, le TCE nie la notion même d’intérêt général, pour lui substituer celle de politiques économiques limitant au maximum les droits sociaux et faisant des chômeurs les premiers responsables de leur situation (Christophe Ramaux). Il menace plus que jamais les services publics, au mieux réduits au statut de « service universel », c’est-à-dire de service minimum (Michel Husson). Il favorise les entreprises privées au détriment des entreprises publiques et des mutuelles, organise l’incapacité de la politique économique de type interventionniste, et promeut le libre échange sans restrictions (Liêm Hoang-Ngoc).

Rejeter le traité constitutionnel, ce n’est donc pas seulement protester contre tel ou tel article, ou condamner par avance les développements futurs de l’UE. C’est avant tout prendre le temps d’apprécier la nature de la construction européenne sous sa forme présente. Car la construction communautaire actuelle est également une construction intellectuelle, qui a pour caractéristique d’être bâtie sur la haine de l’Etat (Frédéric Lordon). Cette haine est bête et méchante. Mais elle est également dangereuse. En effet, il n’existe pas d’exemple de fédération ayant perduré dans le temps sans mécanismes redistributifs en son sein. Or, qu’on le veuille ou non, l’Europe est bel et bien aujourd’hui une organisation de type fédéral. Mais cette fédération (encore en devenir) d’Etats membres ne comporte aucun mécanisme de solidarité en son sein – comme l’égoïsme des Quinze à l’encontre des Dix l’a encore montré récemment avec le refus d’augmentation du budget européen.

De ce fait, poursuivre dans la voie de l’Europe libérale ne serait pas seulement aggraver les inégalités au sein des pays et alimenter la violence sociale. Ce serait également mettre en péril la construction communautaire elle-même, le risque de sécession d’un pays devenant de plus en plus probable à mesure que les inégalités iront croissant. La solidarité au sein de l’espace européen n’est donc pas seulement souhaitable. Elle est nécessaire (Bruno Théret). Et finalement pas si difficile que cela à organiser. Accroître le budget communautaire, développer la coordination des politiques économiques nationales et demander à la Banque centrale européenne de s’occuper aussi de l’emploi, rien de tout cela n’est insurmontable. Encore faut-il que nos gouvernants le mettent en œuvre (Jacques Mazier).

Or ce n’est pas ce qu’ils ont fait au cours des deux décennies qui nous séparent de l’Acte unique. C’est pour infléchir la construction dans ce sens que nous refusons le traité constitutionnel. Rejeter ce traiter, c’est d’abord refuser de souscrire à des formulations inacceptables, comme celle du dogme de la « concurrence libre et non faussée ». Mais ce n’est pas que cela. C’est, immédiatement, mettre un coup d’arrêt aux politiques communautaires qui, telles le projet de directive Bolkestein sur la libéralisation des services, directement ou indirectement, mettent en péril nos services publics et notre Etat social – aussi imparfaits soient-ils. C’est opter pour un modèle social européen, éloigné du capitalisme à l’anglo-saxonne et de son mode de régulation par le marché. C’est promouvoir un modèle qui défendrait nos spécificités en matière de services publics, de protection sociale et de protection de l’emploi (Bruno Amable et Stefano Palombarini).

Au total, dire Non, c’est remettre en cause la construction européenne telle qu’elle s’est développée depuis deux décennies, avec sa politique économique « stupide » et son mépris des conditions de vie des individus. C’est s’offrir une respiration pour prendre la mesure de la catastrophe en cours et tenter de renouer avec notre rêve d’une Europe terre de solidarité et de justice en son sein comme en-dehors, c’est-à-dire l’Europe pour laquelle nous avions voté en 1992.
Gilles Raveaud*, Aurélien Saïdi**, Damien Sauze***

________________________________________________________________

* Docteur en Economie (Université Paris X – Nanterre) et enseignant (Institut d’études Européennes Université Paris VIII)

** Doctorant en Economie (Université Paris X – Nanterre – Institut Universitaire Européen de Florence)

*** Doctorant en Economie (Université Paris I)


Les douzes contributions
Notre désillusion européenne
Gilles Raveaud, Aurélien Saïdi, Damien Sauze
Conditions de travail, fonds structurels, services publics : Le virage néo-libéral des années 1990
Jean Gadrey
La Constitution européenne, la question sociale et l’intérêt général
Christophe Ramaux
Les services publics au péril de l’euro-libéralisme
Michel Husson
Le « gouvernement économique européen » : le libéralisme comme règle de conduite
Liêm Hoang-Ngoc
L’Europe concurrentielle, ou la haine de l’Etat
Frédéric Lordon
Pourquoi l’Europe libérale n’est pas viable
Bruno Théret
Politiques macroéconomiques en Europe : Enlisement ou croissance ? 
Jacques Mazier
La "constitution européenne" et le modèle social européen
Bruno Amable, Stefano Palombarini



Commentaires

Comment sensibiliser ? par MAUTOUCHET MARIE le Samedi 30/04/2005 à 17:55

Bonjour, je vous écoute avec attention Jacques Généreux mais je trouve que france culture laisse peu de place au non dans la constitution. Chaque jour dans les matins Olivier Duhamel, A. Adler font campagne. Alors existe-t-il un collectif pour le non ?

comment sensibiliser pour le non ? Les sondages sont maintenant à 52 % pour le oui et notre seule "arme" demeure internet je pense. Bien entendu nous sommes tous européens mais nous ne voulons pas d'une Europe libérale et c'est maintenant que nous devons nous exprimer. Après, il sera trop tard.

Indiquez-moi des sites de collectifs pour le non. Merci. Cordialement et merci pour vos émissions. Marie MAUTOUCHET


Re: Comment sensibiliser ? par Jockin le Dimanche 01/05/2005 à 18:43

Bonjour, je n'ai pas de réponse à la question comment senbiliser et informer sur le non face à la domination "médiatique" des partisans du oui... Simplement je ne voudrais pas qu'avec une victoire du oui au référendum le désespoir s'empare des militants d'une europe sociale et que nos combats se dissolvent en nous atomisant.

Même si le oui passe il faudra se regrouper partout où cela est possible et lutter encore sans exclusive car ce programme libéral va détruire nos systèmes de solidarité en profondeur et le terrain politique déserté par ses adversaires pourrait être occupé rapidement par les aspirants au fascisme qui exploiteront la résurgence des xénophobies inévitablement engendrées par les dumpings sociaux et fiscaux à venir entre Etats associés.

Et puis de toute façon lutter c'est bon pour la santé, se soumettre c'est très mauvais...

Amitiés


Liens html par Sylvain le Mardi 03/05/2005 à 14:09



Bonjour,

Deux des liens donnés dans les douze contributions ne fonctionnent pas. Il s'agit (corrigés) de

Notre désillusion européenne
Gilles Raveaud, Aurélien Saïdi, Damien Sauze


et

Le « gouvernement économique européen » : le libéralisme comme règle de conduite
Liêm Hoang-Ngoc


Ce serait dommage de s'en priver.



Re: Re: Liens html par Sylvain le Mardi 03/05/2005 à 14:17

Ça ne marche toujours pas !

En désespoir de cause :

remplacer rss (minuscules) par RSS (majuscules) dans le premier

et

liem (initiale en minuscule) par Liem (initiale en majuscule) dans le deuxième lien.


Re: Liens html par Nathalie le Jeudi 05/05/2005 à 10:11

Bonjour
Plus simple, se rendre direct à l'URL suivant :
Cf mon post du 21 avril 2005 :
on peut trouver des contributions intéressantes d'économistes pour le NON au format pdf.
Ainsi par exemple :
celle de Jean Gadrey, "Conditions de travail, fonds structurels, services publics : le virage néo-libéral des années 90".
celle de Michel Husson, "les services publics au péril de l'eurolibéralisme".
celle de Liêm Hoang-Ngoc, "le gouvernement économique européen", le libéralisme comme règle de conduite.
celle de Bruno Amable et Stefano Palombarini, "La Constitution européenne et le modèle social européen"
et d'autres...
Amicalement
Nathalie.


mr généreux n'est pas généreux par catherineguibourg le Vendredi 06/05/2005 à 17:54

Militante eruropéenne depuis 20 ans, je lis, relis, et relis encore la prose du non de gauche. Le livre de Généreux, la position de 7 économistes français, tous français, et pas un européen parmi eux, alors que vous prétendez travailler en réseau. Plus je vous lis et moins votre arrogance me convaint. Je n'entends dans vos propos aucune générosité, aucune ouverture, pour l'autre, européen, qu'il soit  allemand espagnol ou polonais. N'avez-vous jamais voyagé, parlez vous d'autres langues européennes que le français, n'avez-vous pas d'amis européens, que vous aimez écouter, écouter l'autre, c'est à dire l'européen qui vous est différent et semblable? Mais non depuis le début de cette campagne on n'entend que vous, vous tous identiques, français, franco-français de pensée,  je n'entends pas de paroles allemandes, celles de Jurgen Habermas ou celle de Solidarnosc, où est l'autre, dans votre Europe, que votre non assassine, et  condamne. 


ce n'est pas un vrai vote européen par Chemouny le Vendredi 27/05/2005 à 22:39

Bon, d'accord, disons que Monsieur Généreux, en dépit de la précision de ses analyses ce prend pas en compte la dimension européenne, internationale, du référendum. Mais si l'on veux former ou renforcer cette conscience européenne, il faudrait d'abord :
- un référendum à la même date, au pire à la même période dans tous les pays
- la consultation des citoyens sur ce qui les tient à coeur dans la construction européenne. Par exemple, les échanges culturels, lincuistiques, fondements de la connaissance de l'autre en sont à l'ère préhistorique (Erasmus notamment).
- la prise de parole dans les médias français des responsables des autres Etats, ainsi que des commissaires européens. Le service public de la télé et de la radio, ça sert à quoi?
Alors avant de nous culpabiliser, voyons quelles démarches démocratiques sont réellement mises en oeuvre!


Re: ce n'est pas un vrai vote européen par catherineguibourg le Mercredi 01/06/2005 à 16:18

Et c'est pour celà que vous avez voté non, parce que vous n'êtes pas capable d'évoluer, de vous transformer au contact de l'autre s'il n'est pas français. Avant de critiquer et de réduire à néant l'existant, ne pourriez vous pas jouir de ce qui existe, pour l'améliorer et le conduire vers demain. Pourquoi faudrait-il exporter vers les autres pays de l'union européenne, le système économique français, c'est à dire celui qui est le moins apte, à l'adaptation et au changement. Savez-vous que sur 25 états membres, une vingtaine d'états se portent beaucoup mieux. Mais une certaine gauche socialiste a préféré faire union avec l'extrême droite et l'extrême droite européenen pour détruite l'europe. On ne s'acoquine pas avec des mouvements anti-européens, et fascistes, quand on est européen, et démocrate. C'est donc que vous ne l'êtes pas. Pas un de vous n'a combattu ou regretté l'extrêmisme et le racisme de Mr lepen, pendant cette campagne. Pas un de vous ne s'est affolé que mr Lepen et devilliers ne veulent sortir la france de l'europe. ils vous desservent. Vous avez eu la même joie ce soir du 29 mai. La joie de la victoire, celle de détruire l'Europe, celle si peu comprise par nos amis allemands, espagnols ou belges stupéfaits de tant de haine de l'autre. Bien sûr que vous ne vous sentez pas coupable, car pour se sentir coupable, il faut déjà se sentir responsable devant l'histoire. Vous avez mis l'Europe par terre, et pas une nonce de regret, pour les autres européens, les vrais, ceux prêts à se battre positivement pour que le tce débouche sur plus d'échanges, et de coordination entre les politiques. Vous avez ouvert la france, et l'europe sur un nouveau monde, celui de la haine, et comme Schopenhauer, ou Cioran, vosu pourrez constater que ce temps ne s'arrêtera pas demain, car le plaisir de haïr est infini. 


Re: Re: ce n'est pas un vrai vote européen par catherineguibourg le Mercredi 01/06/2005 à 16:40

vous  confondez tout européen et international.....et vous ne savez même pas faire la différence, vous êtes des frileux, des peureux, transis de peur, vous voulez tout ficeler, tout barricader, tout bayonner, votre liberté vous fait peur. 

Bien sûr que non que vous ne vous sentez pas coupable d'avoir détruit l'europe, c'est à dire notre avenir, car pour se sentir coupable, il faut se sentir responsable . Responsable des millions de citoyens que vous conduisez vers l'incertitude et avec elle une augmentation certaine du chômage. Mais vous êtes comme Fabius, riche et bien payé, les autres ne sont pas le cadet de votre souci. 


par François le Mardi 10/05/2005 à 05:33

Les textes viennent d'être enlevés (le contrat de L'Harmattan ne permettait pas leur diffusion).


à propos des réseaux transeuropéens (cf. contribution de M. Husson) par Guillaume le Mercredi 11/05/2005 à 09:54

Je suggère à M. Husson (qui a par ailleurs tendance, à mon sens, à confondre les problèmes de propriété et de concurrence) de lire l'article III-246, qui reprend l'article 154 du traité instituant la Communauté européenne. Juridiquement, rien n'interdit donc la mise en place des réseaux qu'il appelle (comme moi) de ses voeux. C'est une question de volonté politique et de moyens financiers.

Section 8 - Réseaux transeuropéens
Article III-246

1. En vue de contribuer à la réalisation des objectifs visés aux articles III-130 et III-220 et de permettre aux citoyens de l'Union, aux opérateurs économiques, ainsi qu'aux collectivités régionales et locales de bénéficier pleinement des avantages découlant de la mise en place d'un espace sans frontières intérieures, l'Union contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie.

2. Dans le cadre d'un système de marchés ouverts et concurrentiels, l'action de l'Union vise à favoriser l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux.

Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de l'Union.


par Guillaume le Mercredi 11/05/2005 à 10:00

La critique du volet "aides d'Etat" de la politique de concurrence de la Commission (l'autre volet concerne les entreprises : ententes, abus de position dominante, etc.), à laquelle se livre ici l'économiste Frédéric Lordon (CNRS), n'est pas nouvelle et est fondée. L'auteur a raison de mettre en lumière les origines intellectuelles du droit communautaire de la concurrence (et du concept d'économie sociale de marché comme il l'a fait de manière très pertinente dans l'émission les Matins de France Culture) et d'en souligner la prégnance depuis 20 ans.

Le problème, c'est que fonder son vote à la lecture du seul article III-167 ne me paraît pas faire preuve de la vision "contextualisée" et "politique" du traité, que revendique F. Lordon. C'est d'abord faire abstraction des 447 autres articles du TCE (pas un mot sur la Charte des droits fondamentaux - et notamment l'art II-96 - pas un mot non plus sur la cause sociale horizontale - art .III-117, qui peut faire l'objet d'une interprétation ultralibérale comme le dit J. Généreux mais aussi, il faut pousser le raisonnement jusqu'au bout, d'une interprétation socialiste ou sociale-démocrate - et sur l'art III-122, dont la dernière phrase, qui est nouvelle, donne désormais une base juridique à l'Union européenne pour légiférer sur les garanties économiques et financières accordées aux services d'intérêt économique général) et, accessoirement, des autres politiques de l'Union (fonds structurels, notamment). Il ne s'agit pas là de pure cosmétique mais de nouveaux instruments juridiques et politiques à saisir ... ou à ne pas saisir, en fonction des rapports de force politiques, entre la droite et la gauche et... au sein de la gauche européenne... Il est évident que si celle-ci ne prend pour modèle que G. Schröder ou T. Blair, on n'est pas sorti de l'auberge.... Mais ce n'est pas en cassant le thermomètre, qu'on fait baisser la température... Par ailleurs, on peut légitimement s'inquiéter du sort des politiques structurantes de l'Union dans une Europe à 25 (bientôt 27), quand le budget est plafonné à 1 % du PIB. Mais je ne crois pas que nous irons vers des temps meilleurs sur ce plan là si la France vote "non"... ...


Re: à propos du débat sur le libéralisme, la concurrence et les services publics par Guillaume le Mercredi 11/05/2005 à 10:12

Je voudrais mettre en évidence quelques contradictons dans l'argumentation des partisans du oui (dont je suis !) :

D'un côté, on dit que la partie III du traité constitutionnel n'est ni libérale, ni socialiste, qu'il ne s'agit que d'un cadre et que ce seront les politiques menées, en fonction des majorités en Europe, qui permettront de donner une orientation politique dans un sens ou dans un autre. De l'autre, on affirme que si le traité est rejeté et n'entre pas en vigueur, les partisans du non retrouveront l'Europe libérale qu'ils condamnent à travers les traités actuels, compilés dans cette fameuse partie III ! De deux choses l'une : ou bien la partie III, qui reprend les traités actuels, n'a pas d'orientation définie et seules les majorités déterminent cette orientation, ou bien ces mêmes traités, actuellement en vigueur, sont "libéraux" et ne permettent pas une réorientation des politiques de l'Union.

S'agissant précisément des règles de concurrence, les partisans du oui (comme Michel Rocard que j'ai entendu récemment sur les ondes de France Culture) mettent toujours en avant la lutte contre les monopoles privés, c'est-à-dire le volet "entreprises" des règles européennes de la concurrence mais oublient les règles applicables aux Etats (volet aides d'Etat, que l'économiste Frédéric Lordon critiquait à juste titre). Si les Etats sont dépourvus de moyens pour aider substanciellement les entreprises (je ne parle pas des aides "de minimis") ou les régions qui n'entrent pas dans les critères d'exemption de l'application des règles relatives aux aides d'Etat, alors l'Union devrait pouvoir prendre le relais et mettre en oeuvre une politique autrement plus ambiteuse que celle en oeuvre aujourd'hui à travers la politique régionale et les fonds structurels : le budget de l'Union devrait sensiblement augmenter (compte tenu de l'élargissement) et de grandes politiques devraient pouvoir voir le jour : politique industrielle, grands réseaux transeuropéens, recherche, etc. Si la solidarité et les prérogatives de puissance publique ne peuvent plus s'exprimer pleinement dans le cadre étatique, qu'elles puissent le faire à l'échelle de l'Union !

(Une proposition réforme des aides d'Etat serait par ailleurs en cours d'élaboration à la Commission, si j'en crois Mme P. Bérès. A suivre)

Sur les services publics, j'ai été désolé d'entendre F. Hollande répéter l'ânerie de J Chirac lors de sa pitoyable prestation devant le panel des "jeunes", à savoir que les SIEG, d'une part, et les services publics, d'autre part, ce serait la même chose.
Les SIEG ne sont pas définis dans le traité. Ils le seront peut-être dans le cadre de la loi européenne prévue à l'art. III-122. On ne peut pour l'instant que se référer au Livre blanc de la Commission européenne sur les "services d'intérêt général" (qui englobent les SIEG et les services d'intérêt général non économiques). La seule définition existant actuellement est la suivante :
Les SIEG fournissent des biens et des services sur un marché. Autrement dit les SIEG sont les services publics marchands par opposition aux services publics non marchands. On peut les comparer (très) grosso modo à nos services publics industriels et commerciaux (par opposition aux services publics administratifs).
Les SIEG sont soumis aux règles de concurrence (sous réserve que cela n'empêche pas l'exercicie de leur mission). Dans la mesure où il n'y a pas encore de définition précise du champ des SIEG (y en aura-t-il seulement une un jour à l'échelle européenne ?), l'extension de la concurrence aux services publics paraît indéfinie. Si elle se limite aujourd'hui aux services en "réseaux" (énergie, télécoms, etc.), qu'en sera-t-il demain ? Cette préoccupation me paraît légitime.
Les partisans du oui (dont je suis, eje le répète) n'y répondent pas de manière suffisamment pertinente. Selon moi, rien n'est assuré. La loi européenne prévue par l'art. III-122, si la droite est majoritaire ou si la gauche européenne reste sur une orientation "centriste" (axe Blair - Schröder), peut prévoir des principes et des conditions qui ne seront pas favorables aux services publics tels que nous les connaissons en France ou bien donner une définition trop large des SIEG, ou bien encore ne pas donner de définition du tout (la Commission va dans ce sens dans le Livre blanc). Le combat politique n'est donc pas fini mais le TCE donne des instruments juridiques et institutionnels ! Aux progressistes de s'en saisir ! Nous jouons une course contre la montre...



Mon dernier livre

De retour dans les meilleures ventes d'essais

SEUIL-138p.11 €