En 1992, j’ai voté "oui" au référendum sur le traité de Maastricht. Certes, ce traité n’autorisait pas la mise en œuvre de l’Europe politique et sociale à laquelle aspire tout socialiste. Et pourtant, comme la majorité de mes camarades, j’ai voté "oui". Plus précisément, nous avons dit "oui" à l’euro. Pour trois raisons.
À court terme, la disparition des monnaies nationales nous débarrassait de la spéculation sur les taux de change intra-européens qui empoisonnait la conduite de la politique économique depuis les années 1980. L’euro nous protégeait ainsi contre l’un des méfaits majeurs de la dérégulation mondiale des marchés financiers.
À long terme, nous croyions à la "théorie de l’engrenage" : comme ce fut le cas tout au long de l’histoire de l’Union, un mauvais traité n’était que l’étape nécessaire à la reconnaissance des insuffisances qui nous inciteraient à faire un pas de plus vers l’Europe politique. En clair, nous espérions que l’horreur économique et sociale à laquelle nous destinait le fonctionnement d’un marché parfaitement intégré, sans une réelle politique européenne encadrant la compétition, manifesterait la nécessité de pousser plus loin l’intégration politique et l’harmonisation fiscale et sociale de l’Union, par le haut bien sûr !
Enfin, troisième raison, il y avait la portée symbolique de l’euro. Symbole d’unité indissoluble des peuples, alors que l’éclatement de la Yougoslavie réveillait une violence fratricide qu’on croyait d’un autre âge. Preuve inespérée de volonté et de capacité du politique, dans un océan d’impuissance face aux "contraintes" et aux "lois de l’économie".
Oui, vraiment, dans une Europe glacée par la guerre, la misère sociale et l’asthénie du politique, l’euro fut une divine surprise, le socle tangible qui manquait pour que renaisse dans nos esprits un "rêve européen", le rêve d’un nouveau monde où le marché ne serait plus l’ennemi de la démocratie et du progrès social, où l’union des peuples et la détermination de leurs élus rendraient au politique le pouvoir de gouverner.
Le piège libéral
Tout cela valait bien de considérer qu’aussi imparfaite fût-elle, l’étape de l’euro était une marche de plus sur le long escalier menant vers une Europe puissance au service du progrès social, et qui nous redonnerait la souveraineté que la mondialisation laminait au plan national. Personne n’était toutefois inconscient au point d’ignorer que l’engrenage censé mener vers cette Europe puissance pouvait tout aussi bien déboucher sur l’Europe espace de libre-échange où la compétition exacerbée anéantirait la capacité des politiques à entraver la victoire du modèle néo-libéral anglo-saxon. Car, depuis les origines, le projet d’une Europe politique au service du progrès social et de la paix se heurte au contre-projet libéral d’une "Europe espace" : espace de libre-échange et de libre concurrence où le politique s’efface et promeut l’extension de la logique marchande à toutes les activités.
Si donc la droite libérale se retrouve en 1992 aux côtés des socialistes pour soutenir l’union monétaire, c’est bien en raison d’un pari et d’un projet exactement inverse. Elle espère que, dans un contexte de libre concurrence, et sans possibilité d’action sur les taux d’intérêt, les taux de change et le budget, les États ne pourront maintenir leur compétitivité qu’en intensifiant le travail et sa flexibilité, en comprimant les coûts salariaux, les cotisations sociales patronales et les impôts. Cette contrainte conduira alors vers l’État minimum et la marchéisation progressive de la protection sociale, de l’éducation, de l’énergie et des transports collectifs. Ainsi, à partir de Maastricht, l’intégration européenne constituait un piège dans lequel chaque tenant d’une vision escomptait entraîner l’autre.
Plus de onze ans après le traité de Maastricht, force est de reconnaître que le piège s’est refermé sur les socialistes et non sur les libéraux. La flexibilité et la précarité du travail, la soumission aux règles de la concurrence libre non faussée par les interventions publiques, la baisse des charges patronales et des impôts, la privatisation, les licenciements boursiers et les délocalisations au profit du moins-disant social ont bon train. Quid de l’harmonisation fiscale et sociale par le haut ? D’une politique étrangère et de défense autonome face à l’imperium américain ? Du plein-emploi et de l’amélioration des conditions de travail ? De la réduction des inégalités ? Pas grand-chose !
Les socialistes français ont vite compris qu’ils étaient en train de perdre la partie. Dès 1997, ils ont annoncé qu’ils exigeraient des garanties nouvelles pour signer le traité d’Amsterdam. Mais ils n’ont quasiment rien obtenu et signé quand même. Trop isolés dans un rapport de forces singulier. En 1997, les socialistes et les sociaux-démocrates participent au gouvernement dans 13 pays de l’Union sur 15, mais la plupart d’entre eux se sont convertis au discours libéral en matière de dérégulation, de flexibilité du travail, et de réductions des dépenses publiques et des impôts. Ainsi, le piège européen ne se referme-t-il pas seulement sur la gauche mais avec elle et, plus encore, sur les centaines de millions de citoyens désormais enfermés dans un avenir à sens unique, dans une démocratie purement formelle où changer les gouvernements ne change plus les politiques. Et, presque partout en Europe, cette soudaine indifférenciation entre droite et gauche engendre l’échec électoral de la gauche, la montée de l’abstention et la progression de l’extrême droite.
Cette vague noire qui accompagne le reflux de l’éphémère vague rose, depuis la fin des années 1990, aurait dû inciter les néolibéraux à la plus grande prudence : on n’impose pas impunément aux peuples des mutations dont ils ne veulent pas. L’immense majorité des Européens redoute davantage l’insécurité sociale d’une société de compétition généralisée que les impôts et les règlements nécessaires à la cohésion sociale. En profitant d’un avantage politique momentané pour imposer leur modèle sans le moindre mandat populaire, les néolibéraux préparent leur prochaine éviction, non plus nécessairement au profit d’une gauche seulement moins libérale qu’eux, mais à celui des nationalistes, des anti-européens et, plus grave encore, des anti-démocrates. Le piège européen pourrait finalement se refermer sur l’ensemble d’une classe politique installée dans sa certitude d’avoir raison contre les peuples.
Une Constitution anti-démocratique
Mais, plutôt que la prudence, c’est l’aveuglement et l’esprit de revanche qui l’ont emporté. Le gouvernement Raffarin est l’avatar exagonal de cette folie européenne, lui qui interprète le réflexe républicain qui l’a porté au pouvoir comme un mandat pour mettre en œuvre le programme du MEDEF ! Les plus optimistes peuvent toutefois espérer que les Français feront bientôt une dernière fois confiance à la gauche pour remettre à l’ordre du jour le primat du progrès social. À moins qu’une constitution européenne ne barre définitivement la route à toute politique alternative.
En effet, le traité établissant une Constitution pour l’Europe (adopté à Bruxelles le 18 juin 2004 et signé à Rome le 29 octobre 2004) propose de poser un dernier verrou qui transformera le piège européen en prison à vie pour les partisans d’une Europe puissance au service du progrès social. Il s’agit en fait de rendre leur vision anticonstitutionnelle. Avant que, sous la pression des peuples, le rapport de forces ne soit bouleversé au profit de l’Europe sociale, les élites momentanément dominantes entendent graver à jamais dans le marbre d’une constitution la supériorité du principe de "concurrence libre et non faussée" sur toutes les autres finalités.
Non seulement ce projet ne barre pas la route à une concurrence fiscale et sociale exacerbée qui entraînera un alignement par le bas sur le moins-disant social. Non seulement il maintient toutes les limitations actuelles à la libre conduite de politiques nationales et ne donne en compensation aucun moyen à l’Union pour mener des politiques économiques et sociales actives. Mais en outre, et surtout, il rend non constitutionnelle toute politique qui ne respecte pas le principe de libre concurrence, ce qui est en réalité le cas d’à peu près toute politique qui vise autre chose que la maximisation des profits. Par conséquent, il pose la base légale qui autorisera le juge européen à condamner n’importe quelle législation ou réglementation nationale selon la conception plus ou moins extensive qu’il aura de la concurrence libre et non faussée. Autrement dit, il autorise à déclarer définitivement non constitutionnelle toute politique vraiment de gauche ! La révision d’une telle constitution étant de fait quasi impossible (l’unanimité des États est requise), seule la sortie de l’Union européenne permettra de mener une autre politique.
Ce texte est donc tout sauf la Constitution d’une démocratie européenne. Car, dans une démocratie, toute vision économique qui ne viole pas les droits de la personne humaine a droit de cité dans le débat et les politiques publiques. Et la constitution établit seulement les droits fondamentaux et les institutions grâce auxquelles les citoyens peuvent choisir entre des politiques plus ou moins libérales, plus ou moins socialistes. Or le traité que l’on nous propose consacre moins de 100 articles aux droits et aux institutions et près de 350 à la définition de l’orientation des politiques commerciales, fiscales, sociales, industrielles, etc. Il donne à ces politiques une orientation à sens unique : toujours dans le sens d’une plus grande concurrence et d’une moindre régulation politique des marchés, bref il s’agit largement d’une Constitution néolibérale !
La ratification d’une telle Constitution rendrait sans objett, au sein de l'Union, tout débat politique sur le degré de régulation politique des marchés, sur la part relative des biens publics et des biens privés dans la richesse nationale, ou encore sur le partage de la valeur entre travail et capital ; car toutes ces questions sont définitivement tranchées par le primat absolu de la libre concurrence sur tout autre finalité : le bon degré de régulation, c’est toujours le plus faible possible, et le bon partage c’est celui qui résulte de la libre compétition. Fin du débat !
Une Constitution anti-européenne
Que les élites politiques s’entendent aujourd’hui pour abolir définitivement le débat politique au niveau européen est une catastrophe pour la démocratie et pour l’Europe. Car, à moins d’abolir aussi la liberté des partis politiques et le droit de vote, ce diktat européen ouvrirait un boulevard électoral aux nationalistes et aux néo-fascistes. En effet, quand les peuples ne peuvent plus trouver dans le vote pour les démocrates pro-européens le moyen de rejeter la domination des politiques néolibérales, ils le trouvent ailleurs, ils se laissent persuader que rien de bon ne viendra plus d’une Europe où droite et gauche s’entendent de fait pour laisser libre cours à la domination des marchands.
C’est pour combattre cette montée du sentiment et du vote anti-européen qu’il faut dire "non" à cette Constitution, même si cela nous conduit à voter comme des anti-européens. Ne tombons pas dans le contresens imbécile qui consiste à dire que l’on fait le jeu des anti-européens en votant comme eux. On fait leur jeu en soutenant une politique européenne néolibérale qui désespère les classes populaires, on fait leur jeu en effaçant toute différence lisible entre le projet européen de la gauche et celui de la droite, on fait leur jeu en acceptant que les politiques européennes soient déterminées par quelques comités intergouvernementaux et une commission de technocrates et jamais par le vote des citoyens, on fait leur jeu si on les laisse être les seuls porte-parole de tous ceux qui ne veulent pas de l’Europe de la guerre économique, de l’Europe anti-démocratique, de l’Europe anti-sociale.
Cette Constitution est ainsi anti-européenne par le simple fait que sa ratification favorisera la montée du sentiment anti-européen, y compris chez les pro-européens, trompées par la propagande libérale, et qui comprendront (trop tard) les méfaits d’une Constitution non démocratique interdisant la régulation des marchés au profit du progrès social.
Cette Constitution consacre la victoire de ceux qui depuis les origines ne veulent pas de l’Europe politique, de tous ceux qui, à défaut de pouvoir détruire l’Union européenne de l’extérieur, ont entrepris de la détruire de l’intérieur en la transformant en un simple espace de guerre économique sans frein. Ils sont parvenus à faire que l’Europe, loin d’être un pouvoir politique renforçant le pouvoir des citoyens face à celui des marchés, soit un simple instrument technocratique imposant les lois du marché aux gouvernements et à leurs peuples.
Cette Constitution détruit tous les éléments fondamentaux du projet européen des vrais pro-européens. Nous voulions la paix entre les nations : cette Constitution consacre une logique de guerre économique permanente entre les Européens. Nous voulions l’Union pour être plus forts dans la compétition mondiale : cette Constitution consacre notre division par la compétition interne, elle nous prive de tous moyens financiers pour mettre en œuvre des politiques européennes ambitieuses en matière de recherche, de développement industriel, elle interdit l’usage efficace des politiques monétaires et budgétaires auxquelles ont judicieusement recours nos compétiteurs. Nous voulions une politique de défense européenne indépendante des États-Unis : cette Constitution écrit qu’aucune défense collective européenne n’est concevable ailleurs qu’au sein de l’OTAN, organisation militaire dominée par les États-Unis ! Nous voulions une Europe capable d’harmoniser progressivement les salaires, les conditions de travail et la protection sociale par le haut : cette Constitution interdit toute harmonisation du droit social !
Voilà pourquoi, fait unique dans l’histoire, ce sont aujourd’hui des pro-européens convaincus, ceux qui ont toujours dit oui à tout, les partisans d’une Europe politique plus démocratique et plus sociale, ce sont ceux-là qui se dressent aujourd’hui pour rejeter un traité qui détruit le rêve européen. Vous qui êtes pro-européens, vous restez peut-être incrédules face à nos arguments ; portés par votre sentiment naturel favorable à tout ce qui vient de l’Union européenne, trompés par le matraquage médiatique des mensonges sur le projet en débat, vous ne vous êtes pas encore sérieusement penché sur le texte même de cette Constitution. Il suffit pourtant de la lire et de la comprendre pour réaliser à quel point elle est inacceptable pour un démocrate et pour un Européen convaincu. Voilà pourquoi j’ai écrit un livre simple et léger pour vous inviter à cette lecture nécessaire. Voilà pourquoi, ici même, je continuerai chaque semaine, et jusqu’au prochain référendum, à expliquer le texte et les bonnes raisons qu’ont aujourd’hui les pro-européens de rejeter la fausse Constitution qu’on leur propose.
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Vous vous réclamez de Jaurès. Mais lui savait sans doute que la politique est l'art du possible, et savait faire la part nécessaire entre l'utopie et la réalité.
Vous dites : nous espérions que l’horreur économique et sociale à laquelle nous destinait le fonctionnement d’un marché parfaitement intégré, sans une réelle politique européenne encadrant la compétition, manifesterait la nécessité de pousser plus loin l’intégration politique et l’harmonisation fiscale et sociale de l’Union, par le haut bien sûr.
Horreur éco et sociale. Brr. Même les "libéraux" n'en veulent pas, et sont parfaitement conscients de la nécessité d'un encadrement (régulation, rôle de l'Etat et des autorités européennes). Ils désirent aussi, évidemment, une progression réaliste (pas tout, tout de suite, en raison des grandes différences entre les pays de l'Union. Laisser les moins avancés rejoindre les plus riches) de l'harmonisation fiscale et sociale.
Intégration politique : le sujet est beaucoup plus délicat. Vieilles traditions "jingoïstes" au Royaume-Uni, et, dans tous les pays, des nationalismes de clocher, et la prétention de voir midi à sa porte ou de jouer un rôle impérial, cf. les prétentions françaises ... imagine-t-on, par exemple, l'exception culturelle luxembourgeoise, ou la politique arabe de la Belgique :-)
Il est évident que l'intégration politique ne peut se décréter. Elle résultera d'un long et humble travail, de la fréquentation des autres, et sans doute aussi de l'émergence de leaders politiques d'envergure (on regrette, pour rester dans la mouvance socialiste, que M. Delors n'ait pas de successeur).
Mélanger le sujet de l'intégration politique dans une comparaison entre projets "libéraux" et "socialistes" pour l'Europe, relève de la plus parfaite mauvaise foi. D'autant que :
- le personnel politique socialiste français ne s'est pas différencié de celui des autres partis français par sa (déplorable) assiduité aux débats du Parlement. Comment faire de l'intégration politique si on est absent ?
- les élus socialistes français au Parlement européen ont joué un jeu particulièrement stupide lors des élections aux instances dudit Parlement, et a grandement contribué (il n'est pas le seul hélas) à une diminution spectaculaire de l'influence et de la représentation des intérêts français, tant au Parlement qu'à la Commission.
- le personnel politique socialiste français, en cela guère différent de celui des autres partis, est veule et hypocrite lorsqu'il attribue "à la faute de Bruxelles" les conséquences de décisions auxquelles il a été associé, ou rejette sur Bruxelles le mécontentement du à un mauvais management local.
Bien évidemment, c'est en disant non au traité que tout cela va s'arranger par miracle ...
Vos arguments sur le piège libéral. En somme, parce que vos idées se retrouvent (momentanément peut-être) en minorité, vous refusez le jeu normal démocratique et majoritaire. Vous le refusez d'ailleurs aussi dans votre propre parti ... Au choix, c'est une attitude d'apprenti dictateur léniniste, ou d'enfant capricieux. Franchement, ce n'est pas digne de l'idée qu'on peut avoir de la politique. Et c'est carrément irréaliste et puéril de se retirer du jeu lorsqu'on a la prétention de participer à la définition et à l'application des règles du jeu.
Les gens qui font de la politique devraient faire preuve de courage. Et oser entraîner leurs électeurs et sympathisants dans des voies difficiles, vers le haut et non vers le bas. J'ai été consterné de voir nombre de socialistes, utiliser les soi-disants désirs de leur électorat pour défendre leurs positions au Parlement ou lors du débat sur le traité constitutionnel. "Mes électeurs veulent ...". C'est exactement la stupide argumentation des gouvernements Chirac pour attribuer des faveurs aux bistrotiers, diminuer la progressivité et le rendement de l'IRPP, etc. C'est aussi ce que font les gouvernements Bush en politique intérieure. Quel manque de courage et de discernement. Quel dévoiement de la démocratie. Et depuis quand avons nous, en France, des mandats impératifs ?
Vous dites "une Constitution anti-démocratique". Allons donc, déjà les grands mots. L'anti-démocratie c'est peut être ce que vous prouvez par votre comportement (voir plus haut)!
Bien sûr, les textes (traités et annexes) sont terriblement longs et très touffus. Mais c'est tordre les textes et l'intention des rédacteurs des textes (dont des socialistes) que de prétendre, comme vous osez le faire, qu'ils conduisent à une confiscation de la démocratie.
Vous êtes aveuglé par votre prétention immodeste à détenir la Vérité. Pour employer une locution populaire, vous faites l'ayatollah.
D'autre part vous prétendez êtes plus socialiste que la majorité des socialistes français, plus socialiste que les socialistes européens. Monsieur Je-sais-tout, Monsieur Plus du Plus. C'est un peu ridicule. Mais il y a beaucoup plus grave. On sait très bien, en politique, où mène la surenchère : au maximalisme et à l'extrémisme. Car il y aura toujours quelqu'un pour se prétendre plus socialiste (plus proche du peuple, des masses, etc.) que vous.A propos d'extrémisme, vous dites : Cette vague noire qui accompagne le reflux de l’éphémère vague rose, depuis la fin des années 1990, aurait dû inciter les néolibéraux à la plus grande prudence : on n’impose pas impunément aux peuples des mutations dont ils ne veulent pas. Mais la vague noire, vous l'incarnez, non pas par votre idéologie (encore heureux ...) mais par votre comportement maximaliste. Et il est insupportable de lire sous la plume d'un
prétendudémocrate et socialiste qu'une majorité de gouvernements majoritaires impose aux peuples des mutations dont ils ne veulent pas.Et au fait, M. Je-Sais-Tout, il veut quoi, le peuple ? Eh bien, je vais vous le dire : il veut, ou plutôt il aimerait, le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière. Ce qui est normal. Je suis comme ça, et vous aussi. Mais le rôle du politique, ce n'est bien sûr pas de promettre tout cela (oui, il y a bien un certain Jacques C. qui fait cela avec un grand talent, mais c'est tout ce qu'il sait faire). Le rôle du politique, c'est de faire rêver au sourire de la crémière (on appelle cela, "grand dessein" ou "projet politique)", et en même temps, de façon réaliste et progressive, et en sachant le faire admettre par les électeurs, faire le partage entre le beurre et l'argent du beurre.Le peuple, il veut de la protection sociale ? Qui n'en voudrait pas ?
Cessez d'enfoncer des portes ouvertes (ou alors, exigez aussi qu'il fasse beau pendant les vacances, que l'amour dure toujours, etc.). De la protection sociale, oui, mais compatible avec la réalité du monde, de l'Europe, de la France tels qu'ils sont. OK pour la protection sociale maximale compatible. Mais en tenant un discours de vérité. Par exemple, osez proclamer à vos électeurs que le coût de la protection sociale va énormément augmenter. Osez leur dire qu'il faudra collectivement plus de travail pour payer cette protection. Osez leur dire qu'il faudra encore beaucoup plus de travail pour simplement maintenir le niveau de vie. Et davantage encore de travail pour augmenter le niveau de vie. Et encore davantage pour préserver les bases stratégiques du développement (infrastructures à haut débit, R&D, enseignement).Il paraît que nous aurions un "modèle social européen". Encore qu'il n'y ait rien de commun entre les systèmes des différents pays. Mais ne pas confondre avec un modèle social français. Parce que là, les français ont tout faux. Personne (mais vraiment personne) ne veut de ce modèle catastrophique, qui conjugue inefficacité (taux de chômage, par ex.) avec mécontentement et coût extrêmement élevé.
Alors, avant de vouloir faire l'Europe sociale, qui plus est avec les idées minoritaires de socialistes français minoritaires, il faudrait un peu de modestie. Un peu moins d'exception française et d'attitude de donneur de leçons (tous partis confondus).
Oui, il faut faire l'Europe. A terme, peut être une Europe puissance. Oui, préserver une originalité "sociale". Tout cela prendra beaucoup de temps. Tout cela nécessitera des compromis entre partenaires européens. Et c'est en restant dans le jeu (n'est pas de Gaulle qui veut, avec sa politique de la chaise vide. Et de plus cela a été contre-productif), que l'on fait avancer les choses.
En attendant, il y a ce traité. Avec d'excellentes choses, et d'autres moins bonnes. Et il y aura la vie politique ... qui se chargera de traduire en faits le traité, ou plutôt, qui vivra sa vie. Aurait on imaginé les pratiques politiques françaises, après la mort de de Gaulle qui avait installé la constitution de la Ve République ? Se focaliser contre le traité, c'est nier la nécessaire et constatée adaptabilité et fluidité de la pratique politique, ou c'est avoir une conception stalinienne de la politique. On sait à quel point la constitution soviétique était parfaite (à l'inverse du traité constitutionnel européen).
Le traité constitutionnel offre des possibilités de jeu à ceux qui veulent jouer le jeu européen. Il ne suffit pas, M. Plus, de dire "nous sommes les seuls vrais pro-européens". Il ne suffit pas de dire "nous voulons une constitution parfaite (ou quasiment)". Il faut jouer le jeu.
Rester dans le jeu. Accepter de prendre des baffes (politiques) pour avoir la possibilité d'en donner. Donc voter OUI pour le traité.
Mais peut être n'êtes vous pas assez courageux pour jouer le jeu. Jouer le jeu, se battre, pour, progressivement, amener ses partenaires à de meilleurs compromis. Se battre pour faire accepter ces compromis à ses électeurs (sans quoi, vous ne pourriez être élu ou réélu, et donc jouer un rôle auprès des partenaires européens.Mais peut être n'êtes vous pas assez courageux pour affronter les électeurs dans ce jeu là.Monsieur Plus, vous êtes un poète. Un Rostand, un Villepin. Vous agitez de grands mots, de grands sentiments. Ce n'est pas suffisant pour prétendre à un rôle politique. Il vous manque la responsabilité.De la politique, vous ne retenez que la politicaillerie. Les petites phrases sur Raffarin (le pauvre, il les mérite bien). La flatterie des électeurs (que vous pratiquez de façon plus élégante, en flattant l'intellectualisme pinailleur des Français, d'autres sont plus directs en arrosant les bistrotiers, mais que voulez vous, c'est eux qui tiennent la caisse pour le moment).
Du socialisme, vous retenez quoi ?Je m'aperçois que j'ai été plutôt polémique. Ce n'était pas mon intention initiale. Veuillez m'excuser d'avoir été irrité par votre article. Mais n'avez vous pas fait exprès d'irriter tous ceux qui ne seraient pas totalement et complètement de votre avis, et par conséquence de nuire à un dialogue démocratique et politique ?
Je présente d'avance mes excuses à Jacques Généreux et aux lecteurs du site de Jacques Généreux pour ce commentaire trop long et parfois inutilement polémique (inutilement, si l'on souhaite dialoguer utilement et démocratiquement). Je maintiens que l'honneur du politique est de rester "dans le jeu", et que le métier politique est de construire des rapports de force pour, à son tour, espérer gagner dans le jeu.