Texte proposé par le « Non de gauche » en Gironde
Quand un « Non de gauche »
écrit au « Oui de gauche »…
Cher
« Oui de gauche »,
J |
e suis un « Non de gauche ». Non, n’arrête
pas de me lire ! Je sais, on est assez fâchés en ce moment, mais
permets-moi toutefois de t’écrire. Car j’espère bien qu’il nous reste quelque
chose en commun : le « … de guche ». Est-ce que ce « … de
gauche » nous permettra de mener à nouveau des actions ensemble après ce
satané 29 mai ? Je l’espère !
Tu sais, je n’ai jamais demandé un référendum. Pour une question si
complexe, le référendum n’est sans doute pas la meilleure solution. Mais pas à
cause de ce qu’a dit Bolkestein l’autre jour dans le poste, quand il a prétendu
que la démocratie, c’était pas bon pour les « peureux » ! Non,
j’aurais préféré qu’on en discute au printemps dernier, en 2004, quand on a élu nos nouveaux députés européens et
qu’on a mis, après les régionales et les cantonales, une nouvelle pâtée à la
droite ! J’aurais préféré qu’alors, ce fût à l’ordre du jour : tous
les partis d’Europe auraient présenté à tous les électeurs leurs propositions
pour une constitution. Moscovici aurait dit qu’il était contre les monopoles
(même publics) et pour la concurrence « libre et non faussée » (art.
I-3/2). Moi, j’aurais voté pour une liste qui aurait voulu une « concurrence
pas libre et bien faussée », avec des vrais services publics pas
marchandisés, avec des usagers et pas des clients. Je pense même que tu aurais
été d’accord, toi ! On aurait élu nos députés, en sachant toutes les
propositions. Le parlement européen se serait réuni, il serait devenu une
constituante européenne. Tous les avis, toutes les nuances, tous les
amendements, auraient été discutés et, au bout d’un an ou deux, ils auraient
voté, à une majorité qualifiée (60 % ? 66 % ?) la nouvelle
constitution. Donc on aurait pu changer, ensuite, la constitution, aussi à la
majorité qualifiée ! Pas comme aujourd’hui, où il faudra l’unanimité des
États (comme pour tous les traités) ! C’est pour ça que Giscard a dit
qu’on en prenait pour « cinquante ans ». D’ailleurs c’est marqué
(art. IV-446) : « Le présent traité est conclu pour une durée
illimitée ». Ce n’est pas comme ceux d’avant, Amsterdam ou Nice !
M |
ais ce n’est pas cela qui s’est passé, tu le
sais bien : une commission technique, que la mégalomanie de Giscard a fait
appeler « convention » (quelle honte, quand on se rappelle
Conviens-en, ce fut un procédé pas du tout « constituant »,
pas du tout démocratique. Au Portugal, les copains réclament un référendum pour
le droit à l’avortement. Là, la question est simple : on est pour ou
contre le droit de la femme de disposer de son corps. Pour des questions comme
ça, le référendum, d’accord. Pour 448 articles, plein d’annexes et protocoles,
pas d’accord, il faut d’abord qu’on élise des députés, qu’on puisse amender.
C |
her « Oui de gauche », crois-tu qu’une
constitution préparée comme une caricature technocratique peut être
démocratique ? Est-ce que tu es vraiment d’accord avec l’idéologie de la
« concurrence libre et non faussée » qui commande tout le texte (art.
I-3/2) ? Est-ce que tu es pour l’interdiction des aides de l’État aux
services publics (art. III-167/1) ? Est-ce que tu es pour interdire des
accords entre entreprises européennes, y compris les services publics (art.
III-161/1) ? Est-ce que tu es pour que les services publics soient, comme
les entreprises commerciales, soumises à la concurrence « libre »
(art. III-166) ? Est-ce que tu es pour que, même en situation de guerre,
les affaires continuent comme si de rien n’était (art. III-121) ? Est-ce
que tu es pour qu’on empêche l’harmonisation vers le haut des droits du travail
(fin art. III-207) ? Ne crains-tu pas que ça tire forcément vers le bas si
l’harmonisation des systèmes sociaux doit se faire obligatoirement
(=constitutionnellement) par le seul « fonctionnement du marché
intérieur » de l’Union (3e par. art. III-209) ? Est-ce que
tu es pour que la flexibilité du travail devienne une norme constitutionnelle
(art. III-203) ? Est-ce que tu es pour que le but de la politique agricole
européenne soit « d’accroître la productivité » (art.
III-227/1a) ? Moi, je pencherais plutôt pour le développement de
l’agriculture raisonnée, biologique ou biodynamique. Mais ça sera
anticonstitutionnel. Est-ce qu tu es pour que la politique énergétique soit
uniquement régulée par le marché (art. III-256/1a) et que l’énergie nucléaire
soit mise sur le même pied que les énergies renouvelables (art.
III-256/1c) ?
E |
t que penses-tu des libertés fondamentales en
Europe ? Dis-moi, qu’est-ce que tu aurais mis, toi ? Moi, j’aurais
pensé à la liberté de conscience, à la liberté d’expression, de réunion,
d’opposition, d’orientation sexuelle, à l’autodétermination des peuples. Mais
ce n’est pas ça qu’ils ont écrit : ils ont mis (art. I-4) :
« Libertés fondamentales […] : 1. La libre circulation des personnes,
des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté
d’établissement ». C’est tout (ils en reparlent plus loin, dans
L |
a laïcité ? D’accord, il n’y a peut-être pas de
mot pour dire laïcité en estonien. Mais ils auraient pu mettre que l’Union et
ses États membres sont indépendants de toute religion. Tu sais bien qu’ils ont
mis le contraire. Le mot « religieux » est le cinquième mot des 882
pages, dès le préambule, sur les héritages. Ils ont fait du dialogue avec les
Églises un impératif constitutionnel (art. I. 52/3). Moi, je n’ai rien contre
le dialogue avec les Églises, mais pourquoi en faire une obligation constitutionnelle ? Pourquoi n’ont-ils pas mis le
dialogue obligé avec les syndicats, alors ? Et ils ont écrit que la
liberté de pensée, de conscience et de religion (je suis pour !)
impliquait la « liberté de manifester sa religion ou sa conviction
individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte,
l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites » (art.
II.70/1). Je ne comprends plus, là : la loi, il y a un an, sur les filles
qui se couvrent les cheveux parce que Dieu l’a dit, ils avaient expliqué que
c’était pas contre l’islam mais contre toutes les manifestations religieuses,
que ça ne discriminait pas. Et c’est les mêmes qui signent ça
aujourd’hui ?
D’ailleurs à propos de l’école,
j’ai vu qu’ils mettent les écoles privées religieuses exactement sur le même
plan que les écoles publiques laïques (art. II-75/3). Puisque c’est reconnu
dans
T |
u sais bien que les gens sont inquiets, avec
les délocalisations. OK, ils ont retardé Bolkestein de trois mois, le temps que
le « oui » l’emporte. Mais dans
J |
e sais bien qu’il y a douze permanents syndicaux de
I |
l y a un truc qui me plaisait : le parlement,
le seul qu’on élit, aurait un peu plus de pouvoir. Il fait passer l’examen aux commissaires,
même s’il ne peut pas en proposer (art. I-26/4). Comme avant, il peut dire
« non » aux lois, mais il ne peut toujours pas en prendre
l’initiative (art. I-26/2). Mais peut-il censurer la commission ? Cette
idée, j’ai trouvé super quand j’ai lu l’article I-26/8, parce que la menace de
censure peut être un contrôle de nos élus sur
Il y a autre chose qui me plaisait, c’est le
droit d’initiative populaire. Par exemple si nous, les citoyens, on veut faire
une europétition pour changer tout ça. Bien sûr, je pourrais toujours comme
avant (art. II-104) écrire au parlement européen pour donner l’idée d’une bonne
loi, sauf que le Parlement n’a pas le droit de la présenter. Mais j’ai espéré,
quand j’ai vu la nouvelle europétition adressée à
Dans
D |
is, si demain la majorité du peuple français élit de
nouveau un gouvernement de gauche, et que ce dernier veut faire un grand
service national de l’eau, pour en finir avec les hausses de prix, les
corruptions dans les communes, comment fera-t-il ? C’est
inconstitutionnel. S’il veut maintenir le prix unique du livre, qui permet à
des petites librairies de tenir le choc face aux mastodontes, comment
fera-t-il ? C’est inconstitutionnel. S’il veut diminuer les dépenses
militaires, pour faire plus de recherche civile ? C’est inconstitutionnel.
S’il veut garder le monopole de
T |
u vois, cette constitution, ce n’est pas un simple
cadre politico-juridique général permettant d’organiser la démocratie en
Europe, ce n’est pas un compromis entre gens raisonnables. C’est un programme
très précis pour tous les gouvernements de l’Union et pour l’Union elle-même,
néolibéral, de choc, de droite, des secteurs du capitalisme financier qui
veulent sans cesse pousser plus loin l’avantage qu’ils ont pris depuis une
quinzaine d’années partout dans le monde. En vrai, ces gens-là ne sont pas
pro-européens, ils sont pro-espace d’affaires, c’est pour ça qu’ils veulent que
Je sens bien
qu’on s’apprête à m’exproprier en grande partie de mon droit de vote. Parce que, imagine qu’on
élise – je dis pas Hollande, puisque lui, maintenant, il est
d’accord – Laurent Fabius qui est un peu de gauche en ce moment, ou
Jean-Luc Mélenchon qui est très en colère, Marie-Georges Buffet qui dirige le
PCF, ou Yves Salesse l’antilibéral, ou même Olivier Besancenot le facteur
trotskiste ? On a le droit, non ? Mais même s’il était élu, le
facteur, il ne pourrait pas faire la politique pour laquelle on l’aurait élu.
Ça serait anticonstitutionnel. Et si, dans cinq ans, on élit un nouveau
parlement européen complètement différent, il ne pourra rien changer non plus !
Rien ! C’est maintenant qu’il
faut empêcher ça.
M |
oi, je revendique le droit de me prononcer sur le
principal. Des gens du « oui de gauche », m’ont dit que ce n’est pas
ce traité qui a créé le néolibéralisme, qu’il n’y a rien de nouveau sur ce plan.
Je vais te surprendre : je suis d’accord avec eux, ce traité, sur le fond,
n’est pas très nouveau. Simplement, il est de durée illimité, pas comme les
autres, et très difficilement amendable (unanimité à 25 États). Mais
surtout : OK, l’Europe est néolibérale. Est-ce que tu es d’accord pour en conclure que ce n’est plus la peine
d’en discuter, qu’il faut donc… continuer comme ça ? En effet, malgré
ce que dit la propagande du « Oui », le vrai vote qu’on va avoir, ce
n’est pas « pour ou contre l’Europe », on nous demande si on est pour
ou contre ce texte-là, pour ou contre
l’idéologie de la « concurrence libre et non faussée » comme principe
de base de l’organisation européenne. Est-ce que je dois dire « oui »
parce que le Parlement européen a gagné 0,3 % de pouvoir effectif en plus,
en oubliant carrément la continuation du néolibéralisme pour cinquante
ans ? Et il va en faire quoi, le parlement, de cette petite avancée,
puisque lui aussi doit évidemment respecter
J |
e suis de gauche, et je veux voter à gauche.
Sûr qu’on doit faire des compromis. Mais un compromis, ce n’est pas une
compromission. Je ne peux pas voter à droite, tu comprends ? Je refuse totalement l’idée qu’il n’y aurait
qu’une seule manière de construire l’Europe, la néolibérale, la droitière.
Je revendique d’être consulté sur le contenu politique du traité, et pas
seulement sur une vague idée de l’« Europe ». Je revendique que les
peuples puissent être consultés régulièrement sur les politiques à suivre par
leurs gouvernements respectifs, et que tout ne soit pas ficelé d’avance pour
des décennies. Si le Non l’emporte, rien ne sera réglé : ça ne fera pas de
miracle et on restera dans le très mauvais traité de Nice (que tes copains ont
approuvé, pourtant) jusqu’en 2008-2014 selon les domaines. Mais ça voudra dire
que les citoyens ont le droit de discuter vraiment du contenu, et pas seulement
de l’« Europe » en général. Bien sûr, il ne faudra pas faire une
« convention Giscard bis », ça ne donnerait pas de meilleur résultat.
Il faudra faire des élections européennes, et c’est le parlement qui deviendra
constituante, comme je te disais au début de ma lettre.
T |
u vois, cette campagne électorale où on n’élit
personne, elle a déjà eu un avantage. J’ai participé à des tas de réunions, où
on voit des gens qui ne venaient jamais et qui discutent politique comme je ne
l’avais plus vu depuis, disons, 1981-83. Ce n’est plus comme en 1992 avec
Maastricht, les gens voient bien qu’en France ou en Europe, maintenant c’est la
même chose, c’est pas séparé. Ils veulent sanctionner Chirac et
Mais nous, le peuple de gauche, va-t-on se laisser faire ? Il faut
qu’on discute, viens aux réunions des comités du Non, personne ne t’y jettera
la pierre. Tu verras, nous, on cause
vraiment du contenu de
En tout cas, on se cause lors de la prochaine grève ?
Le « Non de
gauche » en Gironde
Comité
girondin pour le Non de gauche au TCE |
Comité talençais pour le Non de gauche Josiane Meynard, 05 56 37 04 46, <josianemeynard@aol.com>;
Anne-Claire Gascoin, 05 56 80 13 10, <ac.gascoin@wanadoo.fr>;
Jean-Michel Grenèche, <grenechejm@free.fr> |
Site national :
<www.appeldes200.net> |
Grand meeting européen
unitaire
jeudi 26 mai, 20 heures à Cenon (salle/espace Palmer)
avec Olivier Besancenot (LCR), José Bové (Conf. Paysanne), Claude Debons (Fondation Copernic), Monique Dental (Coordination
féministe),
Patrick Donati (Les Alternatifs), Jean-Marie Harribey (Attac), Jean-Luc Mélenchon (sénateur de
l’Essonne), Michel Naudy (MARS),
Cathy Polo (PCF) et Michel Cahen (Comité girondin pour le
Non)
Invités
européens : Miguel Portas (Bloc
de gauche, député européen, Portugal), Paul
Lannoye (député honoraire européen écologiste, Belgique)
Depuis la mise en ligne sur NotreConstitutionPointNet de l'intégrale Traité Constitutionnel en mode Hypertexte le 20 avril (voir Libé du 22 : http://www.liberation.fr/page.php?Article=291640 ), la Commission Européenne s'est réveillée (un peu) et a mis en ligne mercredi dernier une version HTML de la Constitution!<br /><br />Malheureusement il ne s'agit pas d'une version vraiment hypertexte: pas de liens de chaque article vers ceux auxquels il fait référence, pas de moteur de recherche, pas de liste des références à l'article courant, et surtout pas d'adresse fixe pour chaque article sur laquelle les divers sites de débat en ligne pourraient pointer afin d'étayer leur discours...<br /><br />Cela, nous l'avons réalisé de manière bénévole avec les moyens du bord sur NotreConstitutionPointNet. Le site est à l'entière disposition des internautes pour faciliter leur lecture et leurs recherches.<br /><br />Notez aussi qu'entre temps, un site norvégien de Bergen a mis aussi en ligne une très jolie version hypertexte en Français: http://gandalf.aksis.uib.no/%7Ebrit/EU-CONST-FR-cc/index.html (Tiens bizarre, la Novège n'est pas vraiment dans l'Europe au fait!). Mais cette version ne réalise qu'une partie de ce que nous rêvons qu'il devrait être fait pour tous les textes de loi. Il n'y a pas d'adresse fixe par article nottamment...<br /><br />Faites passer!<br /><br />Olivier Auber<br /><br />-----<br />COMMUNIQUE du 22 avril (pour mémoire)<br />------<br />Depuis le 20 avril, NOTRE CONSTITUTION POINT NET publie sur http://notreconstitution.net l'intégrale de la Constitution Européenne pour la première fois en mode hypertexte.<br /><br />NOTRE CONSTITUTION POINT NET propose aussi<br /><br />* des liens hypertextes profonds et stables sur chaque article (pour illustrer vos propos en ligne)<br />* des fonctions avancées de recherche de mots ou de notions<br />* des outils de visualisations de la structure sémantique<br />* et toutes les fonctions d'un wiki pour la rédaction de commentaires<br /><br />NOTRE CONSTITUTION POINT NET est une initiative spontanée de simples citoyens de tous horizons politiques engagés pour la lisibilité des textes de loi. NOTRE CONSTITUTION POINT NET s'interdit d'exprimer un quelconque conseil de vote.<br /><br />NOTRE CONSTITUTION POINT NET est aussi agrémenté d'une consultation ouverte lancée en partenariat avec le Club de l'Hyper-république : «Le Référendum est question» (Vote coloré) http://notreconstitution.net/index.php/QuestionsSurLeR%E9f%E9rendum Chacun est invité à y exprimer son opinion non pas sur la Constitution, mais sur la tenue du Référendum lui-même.<br /><br />Vous pouvez nous rejoindre et devenir rédacteur du wiki en vous rendant sur la page: http://notreconstitution.net/index.php/DevenirR%E9dacteurDeNotreConstitutionPointNet<br /><br />La Communauté des rédacteurs de NOTRE CONSTITUTION POINT NET est joignable ici: http://notreconstitution.net/index.php/Communaut%E9NotreConstitutionPointNet<br /><br />