Jacques Généreux : « N’oublions pas le 29 mai 2005, car les Français,eux, n’oublieront pas ».. L’Humanité Dimanche – 28 septembre au 4 octobre 2006.
Entretien réalisé par Jérome-Alexandre Nielsberg.
HD. A l'université de rentrée du
courant NPS, vous avez fait circuler une lettre intitulée "Quel candidat
pour défendre le projet socialiste en 2007 ?". Vous y rappelez que le
choix d'un candidat doit se faire au regard "des conditions de la victoire
en 2007". Quelles sont-elles ?
Il y en a au moins trois
incontournables : éviter la faute d’analyse politique qui a conduit à la
catastrophe du 21 avril 2002 ; rassembler la gauche ; remobiliser le
mouvement qui a conduit à la victoire du « non » de gauche le 29 mai
2005.
La sociologie imaginaire qui conduisait
Lionel Jospin à tenir un discours de séduction des « classes
moyennes » et à soutenir des positions ambiguës (fiscalité, retraites, services
publics) a été lourdement sanctionnée par le vote du 21 avril 2002. Il n’y a
pas, dans ce pays, un « centre » à séduire par un discours « ni
gauche, ni droite ». Il y a ceux qui souffrent de la violence d’une
société de compétition généralisée et ceux qui en profitent ; il y a ceux
qui aspirent à une société pacifiée par l’égalité et la solidarité, et ceux qui
préfèrent un État pénitence à l’État providence. Voilà les lignes de clivage
toujours vivaces entre la gauche et la droite. Et la preuve est dans les
urnes : c’est le même peuple qui, le 21 avril, humilie un candidat
socialiste dont le « projet n’est pas socialiste » et qui, en 2004
assure au PS une victoire historique aux élections régionales et européennes.
Car, alors, le PS est sur une ligne d’ « opposition frontale » à
la droite et fait campagne contre l’Europe libérale et pour une Europe sociale,
en phase avec ses partenaires communistes et le mouvement social. Mais,
quelques mois plus tard, le PS trahit ses engagements du printemps en appelant
à ratifier un traité où n’a été intégré aucune de ses « exigences »,
et il creuse une fois de plus un gouffre avec ses électeurs qui ont bien
compris la différence entre le « non » socialiste et le
« oui » socialiste mais pas entendu ce qui distinguait ce dernier du
« oui » de Chirac et Sarkozy. Seule une gauche assumée,
anti-néolibérale et rassemblée pour offrir un débouché politique au vote
historique du 29 mai peut battre la droite.
HD. En fonction de cette analyse
comment évaluez-vous les candidatures à la candidature du PS, Ségolène Royal en
tête ?
Je ne peux soutenir qu’un
candidat qui respecte le « projet socialiste », qui rassemble la
gauche, qui ne répète pas les erreurs qui ont engendré la débâcle du 21 avril
et qui incarne l’espoir d’un débouché politique à la victoire du
« non » de gauche. Dominique Strauss Khan et Ségolène Royal n’ont
dissimilé ni leur admiration pour le TCE, ni leur mépris pour le vote du 29
mai. Ils s’exposeraient donc, en 2007, à un mouvement de rejet d’une partie de
l’électorat de gauche et cela seul suffit à nous garantir la défaite. Ils ne
font rien pour compenser cette défection prévisible parce que, conformément à
une sociologie imaginaire inchangée, ils sont persuadés de trouver des voix
ailleurs, c’est-à-dire à droite et au centre, grâce à des propositions en
rupture avec le projet socialiste. Ségolène Royal, en particulier, a multiplié
les déclarations visant à occuper le terrain électoral de la droite (sur la
sécurité, l’école, l’encadrement de la jeunesse, « l’éducation » des
parents, etc.). Ce faisant, elle contredit le « projet socialiste »,
elle divise la gauche, elle amplifie l’erreur fatale de 2002 et sa candidature
nous conduirait logiquement à l’échec.
HD. Cela nous mène naturellement à
Laurent Fabius. Vous semble-t-il vraiment constituer la meilleure candidature
du PS ?
Laurent Fabius est le seul
candidat à l’investiture qui ne cherche pas à se distinguer en s’écartant du
projet socialiste, mais en le précisant grâce à des engagements concrets sur
les salaires, le logement l’Europe, etc. Il est le seul, parmi les dirigeants
de
Entretien réalisé
par Jérome-Alexandre Nielsberg.
janielsberg@humadimanche.fr
Jacques Généreux, professeur à Sciences Po., est membre du conseil
national du PS et de la direction nationale du courant NPS. Il a mené une
campagne nationale pour le « non » socialiste et écrit un argumentaire
du « non » (Manuel critique du
parfait européen, Seuil, 2005). Son nouveau livre
parait le 5 octobre :
Evidemment que Ségolène va perdre et qu'elle a été propulsée par les médias via Sarko. C'est lui qui a choisi son protagoniste. Bien sûr que le candidat PS ne doit pas se laisser dicter sa campagne par le Sarko. Bien sûr qu'il doit avoir un discours fort anti-libéral pour rassembler à gauche et redonner un véritable espoir dans ce monde mondialisé pourri. La politique doit reprendre le pas sur l'économique et les conquêtes sociales doivent être protégées contre les attaques incessantes du capital.
Le mur est tombé. Le socialisme a échoué et nous payons tous les jours les pots cassés. L'homme ou la femme qui voudra bien tenter de freiner la Machine infernale est le ou la bienvenue. Pas le discours : il faut comprendre les profiteurs qui doivent continuer à profiter, toujours plus de très riches face à un nombre considérable de pauvres comme au dix-neuvième siècle avant les révolutions ouvrières. Tant qu'on reste muet face à l'oppresseur, celui-ci vous opprime toujours plus. Qui ne comprend pas cela ?
Une prof. de lettres classiques d'une cinquantaine d'années qui est épouvantée par ce monde . C'est pas ce dont j'avais rêvé au PSU dans les années 70 ! Il faut se soulever fermement avant qu'il ne soit trop tard.
Fabius me semble capable d'incarner cette voie. Pourquoi Emmanuelli l'a-t-il lâché ? Si Fabius n'y arrive pas, essayez de convaincre Hollande, qui a peut-être une chance de râtisser large, d'après les échos que j'ai. Mais la gravure de mode ne nous mènera nulle part, j'en suis sûre. Ce n'est pas en courant derrière Sarkozy que nous obtiendrons qoi que ce soit.
Je compte sur vous, Monsieur au si beau nom !